L’atterrissage des 35 heures à l’hôpital en 2002 a créé des complications sans nom pour les établissements, qui n’ont jamais été complètement résolues. Vendredi, Olivier Véran a rouvert cet épineux dossier lors d’une visite avec Emmanuel Macron à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière . « N’est-ce pas incohérent de maintenir les 35 heures alors que certains, pour gagner plus, travaillent en dehors en toute légalité ? », a-t-il fait mine d’interroger son auditoire de blouses blanches.
Dans les colonnes du « JDD », ce dimanche, le ministre de la Santé a précisé sa pensée. Ce ne sera pas une mise à bas des 35 heures. Olivier Véran a promis non pas de « déréglementer le temps de travail » ou « d’obliger des gens », mais « de créer un cadre beaucoup plus souple » pour permettre aux uns de travailler davantage, aux autres d’organiser différemment leur temps.
Un problème de rémunération
Le problème numéro un de l’hôpital, c’est le manque de soignants, quels qu’ils soient. La démographie médicale est certes en berne pour une dizaine d’années, mais les établissements sont aussi de moins en moins attirants : contraintes administratives, paie déconnectée de la quantité de travail et de sa qualité, peu de reconnaissance.
D’ailleurs, les fonctionnaires qui sont restés à l’hôpital, médecins et infirmiers, multiplient les à-côtés : de l’intérim dans d’autres hôpitaux publics, voire un CDD dans une clinique la nuit, hors de tout cadre légal. « Ca démontre qu’il existe un problème de rémunération. On a des armées de contrôleurs pour vérifier que les soignants n’effectuent pas plus de 44 heures par semaine sur place, alors que nombre d’entre eux font 60 à 70 heures sous le radar », souligne un responsable hospitalier.
Synchroniser les horaires
Les établissements ont très peu de latitude pour permettre à ces fonctionnaires de mieux gagner leur vie. Pour avoir le droit de faire plus de 15 heures supplémentaires par mois, il faut un texte réglementaire : un arrêté ministériel, que l’ex-ministre Agnès Buzyn a transformé en arrêté de l’agence régionale de santé. Au temps du coronavirus, le feu vert est immédiat, mais en temps normal, que de paperasserie, que d’attente pour ces organisations congestionnées que sont les hôpitaux.
Outre la possibilité de travailler plus, les soignants voudraient qu’on leur permette d’organiser mieux leur temps. Jusqu’à présent, si les 35 heures ont été renégociées par plus de la moitié des établissements publics, c’était surtout pour mieux synchroniser les horaires des aides-soignants, infirmiers, médecins, kinés, sages-femmes, devenus très difficiles à gérer dans le moule exigu des 35 heures.
RTT impossibles
Ainsi, la réforme menée par Martin Hirsch à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris en 2015 a abouti à réduire le nombre de jours de congé, et à mieux étaler le temps de travail sur les après-midi. Au prix d’une très forte contestation interne. Les directions n’ont souvent pas accédé aux revendications des soignants qui voulaient faire « la grande journée », c’est-à-dire une plage de 12 heures de travail continu, permettant de libérer plus de jours de congé. « Si le salarié déborde de 15 minutes, l’hôpital est dans l’illégalité parce qu’on mord sur les 12 heures de repos obligatoires… », explique le responsable hospitalier.
D’autres arrangements salariaux vont devoir être imaginés, afin de combler à la fois les directions, qui ont besoin d’avoir le personnel nécessaire au bon moment, et les salariés désireux d’être maîtres de leur temps. Pour certains soignants, mieux vaudrait troquer leurs RTT impossibles à prendre et leur compte épargne-temps bloqué contre de vraies heures supplémentaires, effectuées sur place et réglées rubis sur l’ongle.