En apparence, c’est une quasi-stabilité. Le nombre de lits dans les hôpitaux a baissé de 2 % en octobre, par rapport à la fin 2019, c’est-à-dire juste avant l’irruption du Covid . C’est la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la Santé qui l’a constaté, après un sondage express réalisé auprès de 2.300 établissements de santé, dont 1.100 ont répondu.
Cette enquête avait été commandée par le ministre de la Santé, Olivier Véran, suite à une polémique qui avait éclaté en octobre concernant le nombre de lits fermés en pleine épidémie, faute de personnel soignant : 20 % selon le Conseil scientifique, 6 % selon la Fédération hospitalière de France, 13 % selon l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Plans blancs réactivés
Au ministère de la Santé, on pointe qu’il est extrêmement difficile de mesurer le nombre de lits effectivement fermés. D’une part, les personnels hospitaliers ont autre chose à faire en ce moment que de remonter des données administratives. Si l’on pouvait les sonder en temps réel, la situation actuelle serait sans doute très différente. Les plans blancs ont été réactivés après cette enquête. « On remonte très fortement en charge sur les réanimations », confie-t-on au ministère, avec 300 lits ouverts en dix jours, soit une capacité de 6.100 lits en soins critiques.
D’autre part, les lits ouverts sont une réalité mouvante, que la DGOS rapporte à une période passée, mais que d’autres comparent plutôt à un nombre de lits idéal qui n’a jamais existé. Dans ce cas et de façon plus subjective, il pourrait manquer « 5, 6, 7 % de lits », reconnaît-on au ministère. Voire plus, à l’aune des besoins pour faire face au Covid et aux virus hivernaux.
Pas d’objectifs en nombre de lits
Avec cette enquête, le ministère tente de désamorcer les critiques et de montrer que la situation hospitalière est sous contrôle. Il met donc en balance la diminution des capacités d’accueil en hospitalisation dite « complète » et la progression de l’hospitalisation ambulatoire (pas de nuitée à l’hôpital).
Ainsi, en médecine, le nombre de lits a chuté de 2 %, mais les places ambulatoires ont augmenté de 18 % ; en chirurgie, les lits ont glissé de 7 % mais les places ont crû de 8 % ; en soins de suite et réadaptation, 2 % de lits en moins et 20 % de places en plus… Cette bascule, encouragée depuis des années par les pouvoirs publics, a quelque chose de spectaculaire. Mais elle est relative, car l’ambulatoire ne pèse pas lourd en valeur absolue.
En réalité, le gouvernement n’a pas fixé d’objectif capacitaire en hospitalisation permanente. Lors du « Ségur de la Santé », il a promis 4.000 lits à la demande supplémentaires, dont « 3.000 à 3.500 » ont été déployés l’hiver dernier. Le nombre de lits, « ce n’est pas l’objectif », reconnaît-on au ministère.
Ce qu’il vise, c’est attirer, former et fidéliser des soignants, pas agrandir les hôpitaux. D’ailleurs, en 2020, plus de 5.700 lits ont été fermés en France et 1.400 places d’hospitalisation partielle ont été créées.
Un point d’absentéisme supplémentaire
Du côté du personnel, le taux d’absentéisme se situe 1 point au-dessus du taux de la fin 2019, une époque déjà « anormale » du fait de grèves à répétition dans les hôpitaux. Il fluctue entre 1 et 5 % chez les médecins, 5 et 10 % chez les sages-femmes, 10 % chez les infirmiers, 10-15 % chez les aides-soignants.
Les équipes sont aussi « plus instables que la situation d’avant-crise », note la DGOS, avec beaucoup d’arrivées et de départs. En octobre, le solde est légèrement négatif pour les personnels non médicaux. Il y a eu 784 infirmiers de moins, dont 1.611 recrutements dans le mois, 1.245 démissions, 127 licenciements, 1.024 mises en disponibilité.
Au total, les démissions d’infirmiers, mais aussi de praticiens hospitaliers (314), d’aides-soignants ou auxiliaires de puériculture (511) et de sages-femmes (42) se montent à un peu plus de 2.000, soit « deux démissions par établissement en un mois », souligne le ministère de la Santé. « Ce n’est pas neutre », car cela désorganise les services en attendant de trouver un remplaçant, « mais on n’est pas sur un mouvement massif ».
Des tensions localisées
Dernier aspect, la saturation hospitalière. Selon l’étude, seuls 16 % des établissements ont un taux d’occupation des lits supérieur à 90 %, et en obstétrique, ce pourcentage n’est que de 6 %. « Il y a évidemment des tensions, car la charge de soins est extrêmement forte depuis deux ans », admet le ministère, qui ne veut « pas le nier, mais nuancer », en ajoutant que « localement, on peut avoir des situations quasi normales ».
La photographie serait sans doute bien différente à la mi-décembre. En octobre, 700 lits de soins critiques ont été ouverts pour faire face aux virus de l’hiver dont le Covid, ce qui équivaut à 2.000, voire 3.000 lits de médecine, en termes de ressources humaines, souligne le ministère. En effet, il y a beaucoup plus d’infirmiers et d’aides-soignants au chevet des patients en réanimation. Compter les lits ne suffit donc pas à mesurer les capacités hospitalières.