L’examen de la réforme des retraites à peine démarré à l’Assemblée nationale, un autre dossier vient nourrir la controverse politique. Le projet de loi sur l’immigration est présenté ce mercredi en Conseil des ministres. Sur le volet économique, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ainsi que son collègue du Travail, Olivier Dussopt, poussent pour la révision de la procédure de régularisation des sans-papiers par le travail.
Une autre modification importante pourrait enrichir le texte, d’origine parlementaire cette fois : la remise à plat des passeports talent, censés favoriser l’arrivée sur le sol national d’une main-d’oeuvre étrangère qualifiée.
Quatre ans et sous condition
Pour mémoire, les passeports talent ont été introduits dans la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Ils sont valables pour une durée de quatre ans, sous réserve de diplôme, de condition de travail ou d’expérience professionnelle notamment. Les cibles ? Personnes qualifiées, chercheurs, experts, artistes ou encore investisseurs.
Après le trou d’air de la crise du Covid, le nombre de passeports talent est reparti à la hausse : près de 11.950 en 2022 en primo-délivrance hors motif familial, soit une hausse de 51 % sur un an, et de 24 % par rapport à 2019, avant la pandémie, selon des chiffres encore provisoires publiés le 26 janvier par le ministère de l’Intérieur. Si l’on ajoute ceux attribués en renouvellement d’un autre titre de séjour depuis 2018, on comptait plus de 41.200 bénéficiaires l’année dernière, aux deux tiers des salariés et un peu moins de 30 % de scientifiques.
Le dispositif est perfectible, estime néanmoins le député Renaissance Marc Ferracci, qui assume la nécessité pour la France de se doter d’une stratégie attractive d’immigration qualifiée. « De l’avis général, les passeports talent sont trop compliqués avec des critères d’éligibilité différents pour la dizaine de catégories », déplore le parlementaire. Avec un autre député des Français à l’étranger, Christopher Weissberg, il travaille à remplacer tout cela par un dispositif unique suivant le principe des points, comme au Canada.
Débattus au Parlement, ces points seraient attribués en fonction du diplôme, du secteur qui recrute, de l’expérience et d’autres critères à définir. L’avantage ? Un candidat à l’immigration sait d’avance de combien de points il dispose, et donc s’il peut prétendre ou non à venir travailler en France, avant de déposer un dossier, plaide Marc Ferracci. « Parce que les critères sont transparents, on limite le sentiment d’arbitraire et on évite de cantonner les débats sur l’immigration au seul nombre d’immigrés », ajoute-t-il.
« Plutôt encourageant »
Sans être à l’origine de ce projet, le gouvernement a donné son accord pour l’instruire sur le plan technique et en déduire son niveau de faisabilité. Il ne fait pas l’unanimité. « On peut toujours simplifier, mais je ne partage pas le constat que le passeport talent soit complexe à obtenir », avance Alexandre Gillioen, avocat associé au cabinet éponyme, qui a monté une grosse dizaine de dossiers l’année dernière. A l’en croire, le nombre de titres délivrés « est assez encourageant » si l’on met cela en perspective avec l’ensemble du droit de l’immigration professionnelle en France.