C’est sans doute la fin d’un feuilleton dont Bercy et le gouvernement se seraient bien passés. La déclaration des biens immobiliers a fini ce jeudi par être clôturée tant bien que mal au terme d’une campagne chaotique pour les contribuables comme pour les agents du fisc, et qui n’aura pas servi l’image d’une administration fiscale pourtant redoutablement efficace jusque-là.
Après trois reports successifs en à peine un mois, cette campagne imposée aux particuliers et aux grands propriétaires (bailleurs sociaux avant tout) a donc fini par aller à son terme. Jusqu’au bout, les choses ont pourtant paru compliquées puisque le site des impôts a connu mercredi une nouvelle panne. « Ça n’avait rien à voir avec la déclaration, et cela n’a pas empêché les usagers d’accéder à leurs services en ligne », assure-t-on à la DGFIP (Direction générale des finances publiques). Le 31 juillet, une affluence très importante au moment de la précédente date limite avait obligé à la décaler au 10 août.
Suppression de la taxe d’habitation
Cette date limite n’en est toutefois pas vraiment une. L’application Gérer mes biens immobiliers reste accessible sur le site des impôts et les contribuables retardataires pourront continuer de renseigner le statut d’occupation des biens immobiliers qu’ils possèdent.
En revanche, ils n’auront pas l’assurance comme ceux qui se sont conformés à la date limite que ces renseignements seront bien pris en compte pour l’imposition 2023 de la taxe d’habitation. Toute cette campagne était en effet motivée par la réforme de cet impôt, qui doit disparaître totalement pour les propriétaires de résidence principale à la fin de cette année : cette obligation déclarative doit permettre à l’administration fiscale d’identifier précisément ceux qui en sont encore redevables au titre de leur résidence secondaire, et ceux qui doivent payer la taxe sur les logements vacants.
Alors qu’ils promettaient il y a quelques semaines que le taux de réponse global des propriétaires (ménages comme bailleurs) serait proche de 100 % à la fin de la procédure, les responsables de l’administration fiscale se gardent bien désormais de communiquer sur un chiffre précis en la matière. Tout juste avancent-ils que « plus de 81 % des locaux d’habitation des petits propriétaires ont vu leur statut d’occupation validé », sans s’attarder sur le niveau de réponse des grands comptes dont les déclarations ont pris beaucoup de retard et pourraient s’étaler jusqu’à fin août. Le rab du mois d’août aurait permis d’enregistrer 400.000 propriétaires retardataires, est-il expliqué.
Incompréhensions des contribuables
« Ce taux supérieur à 81 % reste un bon score pour une nouvelle procédure qui se mettait en place », explique une porte-parole de Bercy. Les trois reports successifs en à peine un mois d’intervalle ? La preuve de « la capacité de l’administration à faire preuve de souplesse et de pragmatisme », assure-t-on à la DGFIP. Qui rappelle par ailleurs que les contribuables pourront corriger leur situation à l’automne en cas d’erreurs de taxation, tandis que de la bienveillance sera accordée aux retardataires ainsi qu’une absence de pénalités.
Il n’est pas certain malgré tout que tous les contribuables ressortent convaincus, à l’issue de cette campagne, par la « souplesse et le pragmatisme » revendiqués par le fisc. Outre les reports, celle-ci a occasionné quelques scènes d’énervement médiatisées dans des centres de contact et bien des incompréhensions chez certains contribuables.
Il faut dire qu’outre le statut d’occupation, ces derniers étaient aussi invités à donner des renseignements sur les caractéristiques de leurs biens. Mais la déclaration préremplie de l’administration – parfois basée sur des informations datant des années 1970 – a brouillé les esprits. A quoi s’ajoute l’ergonomie « pas optimale » d’une application informatique visiblement développée trop rapidement, comme le reconnaît un responsable de la DGFIP.
Réputation du fisc
Surtout, le choix d’opter pour une procédure totalement dématérialisée, avec une campagne de communication visiblement trop limitée, a été critiqué. Officiellement, la nature de la procédure rendait compliqué le recours à une « déclaration papier ». Mais cette option 100 % numérique peut surprendre, au moment où le gouvernement veut au contraire rapprocher les services publics des citoyens en laissant toujours ouverts plusieurs canaux d’accès.
L’administration fiscale pourrait voir en tout cas son image ternie par cet épisode, alors qu’elle était pourtant souvent citée pour son excellence par les décideurs politiques ces dernières années. La réforme très délicate du prélèvement à la source avait été menée sans heurts. Et la DGFIP avait répondu rapidement et avec efficacité pendant les crises du Covid et de l’énergie, quand il fallait délivrer les nouvelles aides aux entreprises que le gouvernement dégainait toutes les semaines ou presque.
« Le fisc, c’est la Rolls des administrations », se félicitait il y a quelques mois un ministre. Mais sa carrosserie a pris une éraflure.