A qui Emmanuel Macron a-t-il fait un cadeau en supprimant la taxe d’habitation ? Cette baisse d’impôt inédite se voulait une mesure de soutien au pouvoir d’achat. Mais la manne ainsi redistribuée aurait pu être captée par les seuls propriétaires si elle s’était traduite par une hausse équivalente des loyers et des prix immobiliers.
Dans le cadre de son récent travail sur la fiscalité immobilière, la Cour des comptes a voulu en avoir le coeur net et demandé à l’Institut des politiques publiques (IPP) de se pencher sur le sujet. Résultat des courses : l’impact est réel, mais modeste. « Une partie, certes limitée, du gain de pouvoir d’achat a été captée par une augmentation des prix immobiliers et des loyers », résume Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes.
700 euros de pouvoir d’achat
La question a son importance. La suppression de la taxe d’habitation (TH) est un changement fiscal majeur – à la fois en termes de symbole, puisqu’il s’agit d’un marqueur de la présidence Macron, et en termes de montants. Avant sa disparition progressive (pour 80 % des Français entre 2018 et 2020, puis pour les 20 % restant entre 2021 et 2023), elle était payée par 24 millions de foyers et rapportait quelque 19 milliards d’euros dans les caisses des communes (auxquels l’Etat ajoutait 4 milliards pour compenser les exonérations).
Pour chaque foyer concerné, la disparition de cette taxe locale représentait donc plus de 700 euros de pouvoir d’achat restitué. A condition que les communes n’augmentent pas à due concurrence la taxe foncière pour les propriétaires – ce qui n’a pas été le cas, selon l’IPP. Et à condition que les propriétaires n’en profitent pas pour rehausser les loyers pour les locataires (ou les prix pour les acheteurs).
Afin d’évaluer cet impact de la suppression de la TH sur le marché immobilier, les chercheurs de l’IPP commencent par mesurer son poids dans le budget des ménages, avant la réforme. En moyenne, la TH amputait leurs revenus de 2,36 %. Mais en fonction des communes (où le foncier n’a pas la même valeur, et où les taux votés diffèrent), ce taux d’exposition varie. Il tournait autour de 1,3 % là où la TH était la plus légère, contre 3,5 % là où elle était particulièrement salée – notamment dans le sud-est de la France, le long du littoral et dans les communes de montagne.
50 euros par m2
Chiffres à l’appui, l’étude montre que plus ce poids de la TH était important dans les revenus des habitants avant sa disparition, plus les prix de l’immobilier dans la commune y ont augmenté.
La même dynamique s’observe pour les loyers. « A trois ans, l’effet sur les prix immobiliers de 1 point de pourcentage de TH/revenu supplémentaire était de presque 50 euros en plus par mètre carré », écrivent les économistes. Pour les loyers, « de 0,2 euro par m2 ». Cet écart correspond à la part – modeste – de la réforme de la TH captée par les seuls propriétaires.