Comment faire pour que le travail paie mieux ? Emmanuel Macron tourne autour de cette question depuis son arrivée à l’Elysée en 2017 et la baisse de cotisations sociales décidée à cette époque était déjà une façon de traiter le problème – sans qu’il en ait véritablement tiré de gain politique.
Six ans plus tard, le camp présidentiel relance le débat. Le député Renaissance Mathieu Lefèvre, chef de file des macronistes à la commission des Finances de l’Assemblée, va démarrer dans les prochains jours, avec un autre co-rapporteur issu des rangs de l’opposition, une mission d’information sur « l’impact des dispositifs sociaux et fiscaux sur le reste à vivre des travailleurs de la classe moyenne ». Des recommandations sont attendues d’ici à six mois, avec l’idée de peser sur l’élaboration du futur budget pour 2025 .
« Il y a beaucoup d’argent public injecté dans des dispositifs sociaux et fiscaux, que ce soit la prime d’activité, les exonérations de charges patronales sur les bas salaires… Il nous faut évaluer l’ensemble des dispositifs pour voir s’il répond bien à l’objectif d’incitation au retour au travail », souligne Mathieu Lefèvre.
« Risque de saupoudrage »
Le député veut notamment s’atteler à « tirer un bilan de la prime d’activité » créée en 2015. Notamment en interrogeant l’efficacité de ce complément de revenu, censé inciter à exercer ou reprendre un travail. « Je n’ai pas eu le sentiment que la revalorisation de la prime d’activité – qui a été assez onéreuse pour les finances publiques – a été un levier important d’incitation à l’emploi, même si on ne peut pas nier qu’elle a un rôle d’amortisseur social », lance Mathieu Lefèvre, qui met en avant « le risque de saupoudrage ».
En 2022, le nombre d’allocataires de la prime d’activité a augmenté de plus de 3,5 % pour atteindre un point haut, avec 4,8 millions de foyers bénéficiaires, selon le service statistique du ministère de la Santé, la Drees. L’aide sociale s’élevait à 182 euros par mois en moyenne par allocataire pour un coût global de 9,8 milliards d’euros. Les moyens dévolus à ce dispositif avaient été nettement gonflés en 2019, en réponse à la crise des « gilets jaunes ».
Ce sont en tout cas des « montants considérables », selon Mathieu Lefèvre. Le gouvernement a promis de simplifier l’obtention de cette aide (via le dispositif de solidarité à la source ) mais ce chantier ne doit pas empêcher d’interroger la pertinence de la prime d’activité, insiste le député macroniste.
Celui-ci voudrait relancer la réflexion sur la possibilité de remplacer l’aide par une baisse de cotisations sociales. « Intuitivement cela me semble plus lisible, mais il faut voir si c’est possible », explique-t-il. La tentative de moduler une baisse de charges en fonction du revenu s’est déjà heurtée dans le passé à des obstacles constitutionnels (d’où la création de la prime pour l’emploi, puis de la prime d’activité).
Geste fiscal ciblé
Au-delà de la prime d’activité, le deuxième grand axe de travail de cette mission parlementaire sera pour Mathieu Lefèvre de « préparer la mesure de baisse d’impôt pour les classes moyennes prévue dans la trajectoire du budget 2025 ».
Au printemps, après la crise des retraites, Emmanuel Macron avait annoncé un geste fiscal de 2 milliards d’euros pour « les Françaises et les Français qui travaillent dur, qui veulent bien élever leurs enfants et qui aujourd’hui, parce que le coût de la vie a monté, parce que la dynamique des salaires n’est pas toujours là, ont du mal à boucler la fin du mois ». Les salariés gagnant entre 1.500 et 2.500 euros étaient censés en bénéficier. Mais du fait de la situation compliquée des finances publiques, le gouvernement avait renoncé à la mesure pour le budget 2024 et l’avait renvoyé au budget 2025 « au mieux » .
Mathieu Lefèvre veut faire en sorte que ce calendrier soit tenu. « C’est une mesure qui demande de l’instruction en amont si on veut éviter le risque de saupoudrage », souligne le député. La baisse de 4 milliards de l’impôt sur le revenu décidée lors du premier quinquennat Macron n’a eu, de fait, que peu d’impact politique.
Réflexion sur un crédit d’impôt
Pour éviter de rééditer le même genre d’opération, le député macroniste plaide pour éviter « une mesure consistant à baisser une tranche de l’impôt sur le revenu en bas de barème » qui pourrait passer inaperçue. « Nous pouvons réfléchir à un dispositif qui ciblerait un public spécifique, avec une baisse d’impôt très ciblée ou bien par le biais d’un crédit d’impôt », explique-t-il.
Le député du Val-de-Marne songe notamment à un coup de pouce au crédit d’impôt sur les services à la personne ou à la garde d’enfants, qui peut être « un vecteur puissant d’incitation à la reprise d’activité ». Le gouvernement a cependant déjà lancé une réforme de l’aide à la garde d’enfants l’an dernier.
L’« enveloppe » de 2 milliards – déjà prévue dans la trajectoire budgétaire du gouvernement d’ici à 2027 – sera la seule que s’autorisera la mission d’information. Car pour le reste, toute réforme devrait se faire « à coût nul » pour les finances publiques. Voire dégager des économies.