Inflation : chute sans précédent des achats alimentaires des Français

Alors qu'en dix-huit mois, les prix alimentaires se sont envolés de plus de 18 %, les ménages ont revu leurs habitudes. Résultat, la hausse de leurs dépenses a été limitée à 4,2 % sur la période selon l'Insee.


Moins dans les assiettes, différemment aussi. La hausse des prix bouscule le comportement alimentaire des Français. Depuis près de deux ans, l’inflation a fait un brutal retour dans l’Hexagone. Elle s’est d’abord concentrée sur l’énergie avant de se propager aux produits alimentaires. Entre le dernier trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2023, les étiquettes dans les rayons se sont envolées de 18,4 % selon l’Insee.

Face à cette flambée inédite, les ménages ont réagi. Et sur cette période de dix-huit mois, leurs dépenses alimentaires n’ont progressé que de 4,2 % en euros courants. Une étude très complète publiée fin juillet par le panéliste Nielsen montre qu’un tiers des Français déclarent désormais limiter leurs achats de nourriture et d’autres produits essentiels. « Les paniers sont plus petits, les courses se font au jour le jour au détriment des gros caddies hebdomadaires », affirme l’étude.

Du jamais-vu depuis 1980

Entre le dernier trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2023, les achats alimentaires des Français ont ainsi diminué de 11,4 % en volume selon l’Insee, sachant que cet indicateur mêle deux notions distinctes : les quantités achetées et la gamme de produits retenue. « Cette chute de la consommation alimentaire n’a aucun précédent dans les données compilées par l’Insee depuis 1980 », s’est alarmé dans un tweet François Geerolf, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Nos ventes reculent fortement en volume de plus en plus tôt dans le mois.le patron d’un géant de la grande distribution

« Nos ventes reculent fortement en volume de plus en plus tôt dans le mois, signe que les Français se serrent la ceinture en attendant leur jour de paie. Il y a des ménages qui sautent de plus en plus de repas », analyse le patron d’un géant de la grande distribution.

Obligés de repenser leur budget, les ménages ont un peu moins rempli leurs chariots de courses. Ils ont aussi modifié leurs habitudes de consommation : le niveau élevé des prix les a conduits à se reporter sur des produits moins chers – premiers prix, marques distributeurs, promotions – ou à basculer vers des enseignes moins onéreuses qu’ils ne fréquentaient pas forcément auparavant. Plus de 16 % des consommateurs privilégient les achats de proximité afin de limiter l’usage de leur véhicule selon Nielsen.

Pour le sociologue Julien Damon, les classes moyennes ont été les plus touchées par « ce choc », car ce sont elles qui « sont obligées de changer leurs habitudes de consommation », expliquait-il.

Précarité alimentaire

Mais l’inflation a également fortement accru la précarité alimentaire chez les plus fragiles financièrement. Sur la seule année 2022, la demande d’aide a augmenté de 9 %, 2,4 millions de personnes ont été accompagnées, selon le réseau des Banques alimentaires .

Toutes les catégories assurent néanmoins être touchées par la poussée tarifaire. Dans un sondage Ifop datant de juin dernier, plus de la moitié des répondants (53 %) affirmait avoir renoncé à l’achat d’un produit alimentaire « souvent » ou « de temps en temps », dont des CSP +. Un gros quart (28 %) indiquait même sauter un repas régulièrement.

De fait, entre le quatrième trimestre 2021 et le premier trimestre 2023, la part du revenu disponible consacrée à l’alimentaire a reculé de 0,3 point pour s’établir à 13,1 %. « Les prix des autres postes de dépenses – gaz, électricité, carburants, transports – ont eux aussi fortement augmenté », explique Thomas Laurent, chef de la division des comptes trimestriels à l’Insee.

La difficile mise en place de politiques publiques

Le gouvernement surveille le sujet comme le lait sur le feu. Mais les solutions pour contenir l’inflation alimentaire ne sont pas évidentes. Face à l’inflation, il y a une « très grande hétérogénéité » au sein même des groupes de revenus, des tranches d’âge et des lieux de résidence, rappelle une étude récente du Conseil d’analyse économique (CAE), un organisme rattaché à Matignon. Ce qui rend difficile la mise en place de politiques publiques.

Promise à maintes reprises, la création au niveau national d’un chèque alimentaire destiné aux plus modestes a été abandonnée et remplacée par le lancement d’une expérimentation à l’échelle locale l’an prochain.

Par ailleurs, la création d’un panier anti-inflation commun à l’ensemble des distributeurs imaginée par l’exécutif a elle aussi fait long feu. Alors que les cours de certaines matières premières agricoles ont entamé leur reflux, Bercy compte désormais sur les industriels pour répercuter le repli et en faire profiter le consommateur. « Dès le mois de juillet, sur un certain nombre de références et de produits, les prix baisseront », a promis Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie.

Pour l’instant, seuls quelques fabricants ont joué le jeu. En juillet, les étiquettes affichaient encore un bond de 12,6 % par rapport à l’année précédente, selon l’Insee. Signe encourageant toutefois, pour le quatrième mois d’affilée, le rythme des hausses tarifaires dans les rayons a ralenti. Une maigre consolation pour le consommateur.


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