Un an et demi après son lancement, et alors que la crise provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine succède à la crise sanitaire, faut-il poursuivre l’application du plan de relance de 100 milliards coûte que coûte ? La Cour des comptes, qui a livré une première évaluation de ce plan dans un rapport rendu public mercredi, juge nécessaire de « faire preuve de vigilance dans la poursuite de la mise en oeuvre ».
« Une plus forte sélectivité des projets peut permettre de limiter » certaines tensions constatées, a souligné Pierre Moscovici, premier président de la Cour, devant la commission des Finances du Sénat qui avait commandé ce rapport.
Les magistrats financiers se sont penchés sur ce plan dévoilé fin août 2020 , alors que la France sortait tout juste d’un premier confinement qui allait bientôt connaître quelques successeurs. Une expérience jugée inédite et difficile à appréhender : Pierre Moscovici a décrit ce plan comme assemblant « une multitude de mesures portées par des acteurs très nombreux avec une très forte exigence dans la rapidité d’exécution ».
Trop grande complexité
Ce qui a conduit à quelques défauts mis en avant par la Cour et son premier président. D’abord la « complexité » du plan. « La porosité du plan de relance avec d’autres programmes en cours conduit à un affaiblissement de la lisibilité de France Relance et de ses mesures », souligne le rapport, rappelant par exemple que ce plan intègre des mesures du quatrième programme d’investissements d’avenir .
Par ailleurs, « les mesures ont fait l’objet de processus de décisions rapides avec pour contrepartie le risque d’une moindre qualité des projets retenus et d’une priorité donnée aux projets déjà prêts aux dépens de ceux qui nécessitaient un temps de conception », selon les magistrats financiers.
Communication massive
La Cour critique également les montants consacrés à la communication massive voulue par l’exécutif pour ce plan, montants « dont la justification paraît incertaine ». Elle souligne également que le suivi « ne permet pas actuellement d’identifier l’ensemble des bénéficiaires de toutes les mesures dans un territoire ».
Dans ce contexte, le rapport invite à se poser « des questions clés pour l’avenir ». D’abord sur la poursuite de sa mise en oeuvre. Environ 72 milliards d’euros avaient été engagés fin 2021, mais le décaissement réel n’était que de 42,1 milliards. En réalité, ces décaissements devraient continuer jusqu’en 2026, voire 2028 pour certains projets.
Problèmes d’approvisionnement
Les effets de ce plan vont donc continuer à se faire sentir pendant de nombreuses années, alors qu’il avait été conçu pour permettre à l’économie française de revenir à son niveau d’avant-crise mi-2022. Mais cet objectif est déjà atteint depuis la fin du troisième trimestre 2021 et « cette reprise s’accompagne de tensions dans certains secteurs », liés à des problèmes d’approvisionnement ou à la hausse des prix de l’énergie, « ce qui devrait être accentué par la crise ukrainienne », souligne Pierre Moscovici.
« Ces tensions invitent à une plus forte vigilance dans la poursuite du plan de relance pour éviter qu’il ne contribue à les accentuer », a avancé le premier président de la Cour, avec l’idée que « les mesures qui n’atteignent pas leurs objectifs devront être supprimées ».
Pour l’avenir, la Cour insiste également sur la nécessité de mener à bien le « bilan de l’efficacité » de ce plan, qui n’est pas démontrée à ce stade. « Il est difficile de distinguer les effets précis du plan de relance dans le rétablissement de l’économie », a jugé Pierre Moscovici, soulignant que celui-ci découlait aussi des mesures d’urgence ou de la conjoncture mondiale.
Malgré cela, la Cour note le succès indéniable de certaines mesures (« MaPrimeRénov’ », fonds friches, mesures de soutien à l’acquisition de véhicules propres) qui « oblige à s’interroger sur la suite à leur donner ». Leur « pérennisation ne peut être envisagée que dans le respect d’une trajectoire des finances publiques compatible avec la soutenabilité de la dette publique », avertissent les magistrats financiers.