Le début de la campagne présidentielle n’a pas laissé une grande place pour le moment aux thématiques économiques. Mais le Medef espère bien replacer ces sujets au coeur du débat, arguant du fait que les Français feraient désormais d’avantage confiance aux entreprises qu’à l’Etat pour améliorer la situation du pays.
C’est ce qui ressort d’une étude d’opinion dévoilée ce mardi par le syndicat patronal, qui veut en faire une base sur laquelle s’appuyer pour peser durant la campagne. « Il y a de la part des Français une reconnaissance de la capacité d’action des entreprises, qui a été confortée par la crise. L’exemple Doctolib a montré que les entreprises pouvaient être plus efficaces pour mener des missions opérationnelles mal assumées par l’Etat », estime Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef.
Propositions à venir
L’organisation patronale doit dévoiler début janvier une « plateforme de propositions » pour alimenter le débat public durant la séquence électorale. On devrait y retrouver certaines demandes récurrentes, comme la poursuite de la baisse des impôts de production , mais l’organisation veut éviter « un catalogue de mesures hors sol » pour préférer « une mise en perspective de ce qui nous semble nécessaire pour la France », selon Geoffroy Roux de Bézieux.
L’étude d’opinion commandée à l’Ifop doit nourrir et surtout conforter cette réflexion. Au vu de ce sondage, le Medef estime avoir toute légitimité pour faire entendre sa voix. Il en ressort notamment que 83 % des Français ont une bonne image des entreprises, un niveau en hausse de 5 points par rapport à 2020 et même de 12 points par rapport à 2017. L’imaginaire de lutte des classes serait passé selon cette étude, qui indique que 69 % des Français jugent que les entreprises sont un lieu de cohésion sociale. Parmi les salariés du privé, 67 % se disent fiers d’appartenir à leur entreprise.
« C’est le reflet d’une spectaculaire mutation du regard des Français sur les entreprises. Il y a une rupture nette avec les stéréotypes du passé, et les clivages politiques entre droite et gauche sur le sujet se sont fortement atténués », juge Frédéric Dabi, le directeur général de l’Ifop. Geoffroy Roux de Bézieux veut même y voir la preuve que « l’entreprise est devenue une grande cause nationale, un objet de quasi-consensus ».
Le jacobinisme bousculé
Cette confiance nouvelle irait même jusqu’à bousculer certaines traditions bien établies dans la France jacobine. A la question de savoir quels sont les acteurs « sur lesquels on compte le plus pour améliorer les choses dans la société », si les citoyens sont cités en premier à 47 %, les entreprises (34 %) dépassent désormais de peu l’Etat (33 %) vers lequel les Français ont pourtant l’habitude de se retourner devant le moindre problème.
Si bien que ces derniers comptent autant sur les entreprises que sur l’Etat quand il s’agit de régler des grands problèmes de politique publique comme la transition écologique ou l’égalité homme-femme, ce phénomène étant même plus marqué encore pour les jeunes.
« Il y a un effondrement de la confiance dans l’Etat, et la crise du Covid a été un catalyseur de cette tendance croissante depuis des années », estime Frédéric Dabi. « Je pensais que la crise aurait au contraire pu conforter la situation de l’Etat, c’est le contraire qui s’est produit », souligne Geoffroy Roux de Bézieux.
Attentes sur le pouvoir d’achat
Il reste à voir comment les entreprises pourront répondre aux aspirations des Français, dont les préoccupations tournent autour du pouvoir d’achat plutôt que du chômage, comme le confirme cette étude. Sur ce sujet, Geoffroy Roux de Bézieux renvoie aux négociations de branches en cours, et prévoit une « montée très forte des montants de participation et d’intéressement en 2021 » par rapport à une année 2020 il est vrai sinistrée, mais aussi à une utilisation intense de la « prime Macron » pour les TPE.
« La confiance envers les entreprises implique aussi une responsabilité, qui va parfois au-delà de ce que les chefs d’entreprise sont prêts à entendre », prévient le dirigeant patronal. Paraphrasant le Lionel Jospin impuissant devant la fermeture d’une usine Michelin à la fin des années 1990, le dirigeant ajoute que « l’entreprise ne peut pas tout non plus ». Et d’ailleurs les Français ne lui donnent pas non plus un blanc-seing complet : l’idée que l’Etat donne plus de liberté aux entreprises ne recueille l’assentiment que de 50 % des Français.