La majorité présidentielle peine à répondre au vieillissement de la population et à convaincre. La proposition de loi Renaissance débattue depuis cette semaine à l’Assemblée et censée aider les Français à « bien vieillir » est très critiquée. Selon les acteurs du secteur, elle serait loin de répondre aux besoins en dépit d’enrichissements défendus par le gouvernement.
« Les mesures proposées vont dans le bon sens », estime la Fédération hospitalière de France (FHF) mais « elles sont très loin d’engager la transformation attendue ». La fédération des hôpitaux et Ehpad publics réclame de « nouvelles ressources financières […] pour affronter les besoins massifs à venir ».
Manque de moyens
La proposition de loi apporte « quelques réponses à un besoin urgent », juge de son côté le Synerpa, représentant les groupes de maisons de retraite privés. « En l’état, notre politique en faveur du grand âge ne sera pas en mesure de répondre aux défis du vieillissement démographique », avertit cependant le lobby.
Le précédent quinquennat a été marqué par la création d’ une nouvelle branche de la Sécurité sociale consacrée à l’autonomie . Toutefois, nombre d’acteurs du grand âge attendent que le gouvernement mette davantage de moyens sur la table.
Les dépenses en faveur de l’autonomie doivent passer de 32 milliards en 2021 à 42 milliards en 2026, rétorque le gouvernement. Il rappelle que le budget dédié à cette politique sera augmenté dès l’an prochain grâce à l’utilisation d’une faction de la CSG.
A ce stade, l’exécutif a écarté l’idée de proposer un projet de loi spécifique. Après avoir mené un exercice de consultation des citoyens avec le Conseil national de la refondation (CNR) sur le « bien vieillir », il a annoncé la présentation d’ici au début du mois de juin d’ un « plan d’action » sur le grand âge. Il serait parachevé par des mesures adoptées dans le budget de la Sécurité sociale d’ici à l’automne.
Avant cela, le texte de la majorité doit apporter « des améliorations concrètes pour la vie de tous les jours », a défendu le ministre des Solidarités et de l’Autonomie, Jean-Christophe Combe, mardi soir dans l’hémicycle. « Trop souvent le débat relègue ces questions du quotidien au second plan, derrière des enjeux financiers ou structurels beaucoup plus abstraits pour les Français » a-t-il défendu.
Frustration dans la majorité
La proposition de loi vise à renforcer la lutte contre les maltraitances et à expérimenter la création d’une carte professionnelle pour les aides à domiciles, censée faciliter leur travail. Elle entend aussi mieux prévenir la perte d’autonomie des seniors en créant une « conférence nationale de l’autonomie » pour « renforcer le pilotage de la politique de prévention ».
Signe que le texte suscite une certaine frustration au sein même de la majorité, la députée Renaissance Monique Iborra a décidé la semaine dernière de céder sa place de co-rapporteure de la proposition, au motif « qu’elle n’allait pas assez loin ».
Réclamant une modulation du prix des Ehpad en fonction des revenus, elle ne participera pas aux débats et ne votera pas la loi, a-t-elle indiqué à l’AFP. « C’est un grand gâchis alors qu’on aurait pu avoir un texte consensuel après les retraites ».
Mardi, le député socialiste Jérôme Guedj a dénoncé la « procrastination » sur le sujet et suggéré une proposition de loi alternative. « Ni le sérieux, ni l’ambition ne sont au rendez-vous dans cette proposition de loi », a dénoncé pour sa part le député Yannick Monnet, en défendant une motion de rejet des communistes. Celle-ci a cependant été repoussée mardi soir.
Sommé d’être plus ambitieux, l’exécutif a déposé ces derniers jours plusieurs amendements destinés à enrichir le texte. L’un d’entre eux vise à créer dans chaque département « un service public départemental de l’autonomie ». L’idée de ce guichet unique annoncé la semaine dernière est de « mettre en cohérence les différents acteurs de terrain », pour apporter « une réponse globale et coordonnée » sur les questions relatives à l’autonomie.
Les Ehpad privés priés d’investir dans l’accueil
Un autre amendement de l’exécutif vise à obliger les Ehpad privés à consacrer une fraction de leur bénéfice – qui ne peut être supérieur à 10 % – au financement d’« actions en faveur de l’amélioration des conditions d’hébergement et d’accueil des résidents ».
« Cela ne me choque pas plus que cela », a déclaré mardi le directeur général de l’entreprise de maisons de retraite Korian France, Nicolas Merigot. Mais selon lui, « il ne faut pas que ce soit trop stigmatisant pour [le secteur] commercial et que les modalités soient trop restrictives ». Le dirigeant se dit en revanche « perplexe » sur la création du service public territorial de l’autonomie.