La réindustrialisation, sur fond de crise économique et écologique, est devenue l’un des principaux objectifs des politiques publiques ces dernières années. Et cela semble porter ses fruits : 76 nouvelles usines ou extensions ont vu le jour en France en 2022, indique la banque publique d’investissement Bpifrance, qui publie le premier recensement du genre ce jeudi.
Trente-cinq proviennent de start-up qui ont créé leur première ligne de fabrication pilote ou leur première usine, essentiellement dans l’agro-industrie, la valorisation des déchets ou la chimie industrielle. Les 41 restants sont le fait de PME ou d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) innovantes, dans le secteur des biens de consommation et de l’agro-industrie.
Au total, ces 76 nouveaux sites industriels ont été à l’origine de 3.000 créations d’emplois directes, précise Bpifrance.
Plus de 10.000 PME innovantes
D’après le recensement effectué par la banque publique, l’an passé, 1.900 start-up industrielles – dont plus de 70 % sont liées à la santé ou au climat – et plus de 10.000 PME innovantes ont été dénombrées en France. Elles constituent le terreau d’une « réindustrialisation », estime Bpifrance .
Au regard des chiffres de l’an dernier, le pari de « 100 nouvelles usines ouvertes par an » lancé en janvier 2022 par Emmanuel Macron pour 2025, est en passe « d’être tenu », estime Paul-François Fournier, directeur exécutif de l’innovation chez Bpifrance.
La France devant l’Allemagne
L’an passé, les levées de fonds de start-up industrielles françaises ont augmenté de 36 %, à 3,78 milliards d’euros, dont les deux tiers dans les régions françaises, en dehors de l’Ile-de-France, et à l’encontre d’une tendance mondiale baissière. « La France passe ainsi devant l’Allemagne, et atteint le premier rang des pays de l’Union européenne », ajoute Bpifrance.
« Une des raisons probables, c’est que le capital-risque allemand est plus dépendant que la France du capital-risque anglo-saxon. Les fonds se sont repliés sur leurs terres d’origine avec le retournement de cycle, alors que la France a gardé son industrie française du capital-risque développée au cours des dix dernières années », décrypte Paul-François Fournier.
L’an passé, huit levées de fonds ont ainsi été supérieures à 100 millions d’euros en France, chez Exotec (robots), Verkor (batteries), Lhyffe (hydrogène vert), Soitec (semi-conducteurs), Flying whales (dirigeables), Innovafeed (insectes pour nutrition animale), DBV (biotechnologies), et Valvena (biotechnologies, vaccins). Et 600 des 1.900 start-up recensées ont levé plus d’un million d’euros, « ce qui nous place au début d’un plan de réindustrialisation dans un cycle long », ajoute Paul-François Fournier.
Un projet de loi « industrie verte » en préparation
« Depuis 2016, la France a inversé la tendance des fermetures et ouvertures d’usines, comme l’ont montré les statistiques publiées chaque année par le cabinet Trendeo . Maintenant, tout le monde, patrons, syndicalistes, formateurs, élèves et salariés, prend conscience d’un mouvement d’ampleur autour de la réindustrialisation par l’innovation », selon Paul-François Fournier.
Pour encourager la tendance, le gouvernement prévoit notamment un projet de loi « industrie verte » qui doit être présenté au Parlement cet été. Mais il devra être mis en oeuvre à coût budgétaire nul, a prévenu le député Renaissance et membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Mathieu Lefebvre, lors d’une conférence de presse.
Des craintes pour 2023
Bpifrance compte surtout sur la suite du plan d’investissement public France 2030 , qui ambitionne de financer à hauteur de 54 milliards d’euros sur cinq ans les grandes transitions écologiques et économiques du pays. « Il reste énormément de potentiel », note Paul-François Fournier.
Fin 2022, 10 milliards d’euros sur 54 avaient été engagés. La Première ministre Elisabeth Borne avait indiqué en novembre vouloir « accélérer » sa mise en oeuvre pour que 20 milliards soient engagés d’ici la fin 2023.
Mais cette année risque d’être plus difficile en raison des hausses de taux d’intérêt partout dans le monde qui freinent les investissements. « Nous ne sommes pas à l’abri d’une année 2023 qui soit plus modérée que 2022, les levées de fonds sont plus difficiles, mais nous sommes équipés pour y faire face », affirme Paul-François Fournier.