Quatre ans après son adoption, la taxe Gafa tricolore ne fait plus tellement polémique. Mais elle fait recette. Selon les données que vient de publier le ministère de l’Economie, la « taxe sur les services numériques » devrait rapporter environ 700 millions d’euros cette année, soit deux fois et demie son rendement initial. Et la machine à cash devrait encore monter en puissance.
En 2024, Bercy prévoit que la taxe Gafa rapportera 800 millions d’euros. Avec cette augmentation de 100 millions d’euros sur un an, en ligne avec les évolutions précédentes, le produit de cette innovation fiscale tricolore se rapproche inexorablement de la barre symbolique du milliard d’euros.
Ce rendement en forte hausse n’est pas une surprise. D’une part, le nombre de groupes ciblés augmente. La loi française précise que les entreprises assujetties sont celles qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros à travers le monde – dont 25 millions dans l’Hexagone – dans la publicité en ligne, la commercialisation de données personnelles et les services d’intermédiation sur une place de marché.
De nouveaux contributeurs
Les géants américains du secteur comme Google, Amazon et Facebook sont clairement visés depuis le départ. Mais d’autres groupes ont été pris dans les filets du fisc tricolore : le français Criteo par exemple, ou plus récemment le groupe norvégien Adevinta (la maison mère du site Leboncoin.fr).
Face aux pratiques d’optimisation fiscale agressive des géants du numérique, facilitées par le caractère dématérialisé de leurs activités, Bercy avait opté pour une méthode peu orthodoxe : ponctionner 3 % de leur chiffre d’affaires en France – quels que soient leurs éventuels bénéfices soumis à l’impôt sur les sociétés.
Ce prélèvement sur les recettes, plutôt que sur les profits, fait l’objet de vives critiques – en premier lieu des Gafa. Mais il est d’autant plus efficace que les revenus du numérique progressent vite, en France comme ailleurs. Et le rendement de l’impôt avec.
Un introuvable accord international
Cela pourrait néanmoins ne pas durer éternellement. La France s’est engagée à remballer sa taxe Gafa dès que serait mise en oeuvre une réforme mondiale de la fiscalité du numérique. Celle-ci est négociée depuis plusieurs années au sein de l’OCDE, sous l’appellation « Pilier 1 ».
Paris et quatre autres capitales européennes ont même promis, il y a deux ans, de rembourser le trop-perçu éventuel de leurs taxes numériques nationales après l’entrée en vigueur d’une taxe universelle. Il s’agissait alors d’apaiser Washington, qui menaçait de lourdes représailles commerciales les pays qui s’en prenaient à ses champions de la tech.
Mais le temps passe. Si l’OCDE a bien conclu un accord historique sur un impôt minimum mondial à 15 % (le « Pilier 2 », qui sera retranscrit dans le budget tricolore 2024), en revanche, les discussions autour du « Pilier 1 » patinent sévèrement.
Lassé d’attendre un accord international qui ne vient pas, le Canada a même prévenu l’été dernier qu’il comptait avancer à son tour sur une taxe Gafa nationale dès 2024 (comme le font déjà le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne ou l’Autriche). La jolie cagnotte amassée par la France depuis 2019 ne devrait pas l’en dissuader.