L’action de groupe pour discrimination arrive au tribunal

Ce mardi, au tribunal judiciaire de Paris, s'est tenue la première audience concernant une action de groupe contre une entreprise pour discriminations syndicales. L'affaire oppose la CGT à Safran depuis mars 2017 et a été mise en délibéré. Applicabilité de la loi et dimension systémique de la discrimination étaient au menu des débats.


An employee works on a laptop next to aircraft engines displayed in the section dedicated to the Airbus A320 NEO at the industrial and technological engine manufacturer French Safran plant, in Colomiers, southwestern France, on May 17, 2018. - Safran designs and makes engines for commercial and military aircraft as well as rocket engines for launch vehicles and satellites. (Photo by PASCAL PAVANI / AFP)

« Un dossier très volumineux, hors norme, une première procédurale, au greffe il y a le contenu d’un caddie en pièces déposées ». Ce mardi, se plaidait au tribunal judiciaire de Paris la première action de groupe concernant des discriminations au travail et le président Philippe Valleix a illustré ainsi l’ampleur de sa tâche, annonçant un délibéré pour le 15 décembre.

Phase judiciaire

Cet épisode n’est pas le premier. Le feuilleton a démarré le 24 mai 2017 quand la CGT a écrit à Safran Aircraft Engines pour lui annoncer son intention de l’attaquer en justice par cette voie créée par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle pour discrimination syndicale. Comme le prévoit la loi, une période de six mois pendant laquelle l’employeur est enjoint à ouvrir des négociations a débuté, mais neuf mois se sont en définitive écoulés sans que le dialogue se noue entre les deux parties, la CGT enclenchant en mars 2018 la phase judiciaire .

Ce mardi, lors de l’audience – qui n’aura duré qu’une grosse heure, Covid-19 oblige – Safran, qui était jusque-là resté silencieux sur le dossier, a pour la première fois décliné ses arguments par la voix de son avocat. Pierre Safar a contesté tout comportement discriminatoire et toute discrimination vis-à-vis des 36 salariés pris en exemple par la CGT dans son dossier, demandant au tribunal de débouter intégralement le syndicat.

Faits générateurs

Les interventions des deux parties ont permis, au-delà du cas particulier examiné, de dessiner les enjeux plus globaux de ce contentieux, à commencer par l’applicabilité effective dès à présent de la réforme aux discriminations. L’avocat, qui a accusé la CGT de vouloir « tester cette nouvelle loi » sur une « très belle entreprise » qui fut dirigée en 1945 par un communiste, a estimé que pour l’heure, seules les discriminations à l’embauche peuvent être concernées.

La loi précise que les actions pouvant être engagées doivent porter sur des faits générateurs postérieurs à la promulgation de la réforme de modernisation de la justice, en novembre 2016, or pour les discriminations sur la carrière, « il faut quand même un temps suffisant ; si on me demandait mon avis, moins de 10 ans, pas sûr que ce soit pertinent », a insisté Pierre Safar, jugeant le dispositif applicable dès maintenant seulement pour les discriminations à l’embauche. Si le juge se rendait à cet argument, cela bloquerait l’action de groupe pour discrimination dans les entreprises pour un petit moment, les discriminations à l’embauche étant encore plus difficiles à démontrer que celles contre les salariés en poste et ces contentieux très rares.

Discrimination systémique ou pas

A aussi émergée à l’audience la question de la dimension systémique ou non de la discrimination que pourrait induire le succès d’une action de groupe. L’enjeu est en effet bien la reconnaissance ou non via cet ovni en droit social du fait qu’il ne s’agisse pas d’une agrégation éventuelle de cas individuels, mais d’une politique qui provoque ou permet cela ; une dimension déjà pointée dans une décision du Conseil de prud’hommes de Paris portant sur plusieurs cas individuels concernant l’origine dans le cas d’une entreprise du bâtiment, ou encore, dans un autre domaine, sur la sélectivité des contrôles d’identité.

« Quand j’ai demandé de quoi il s’agissait, on m’a répondu en me citant des jurisprudences canadiennes ; en droit français, je ne sais pas ce que cela signifie », a cependant estimé Pierre Safar. Il a au passage contesté les conclusions du défenseur des droits saisi par la CGT qui estime dans les « observations » qu’il a transmises à la cour que l’outil de suivi de l’évolution professionnelle des syndicalistes de Safran produit une « discrimination collective et systémique ».

Inversion de la charge de la preuve

La représentante du Défenseur des droits qui est aussi intervenue à l’audience a pour sa part rappelé aux juges certains éléments de jurisprudence ainsi que la spécificité du contentieux de la discrimination, qui s’appuie sur une inversion de la charge de la preuve. 

Il appartient au juge de « déterminer si les éléments de fait présentés [par les plaignants] permettent, pris dans leur ensemble, de faire présumer une discrimination » et dans ce cas à l’employeur « de justifier [cette différence de traitement] par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination », a souligné Claudine Jacob. Un rappel pas inutile alors que jusqu’à présent, le contentieux des discriminations au travail passait exclusivement par les conseils de prud’hommes et non devant le pôle social des tribunaux judiciaires.


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