L’enjeu est très concret pour les salariés comme pour les entreprises. Mais le sujet est aussi éminemment politique. S’il est une mesure qui porte la patte d’Emmanuel Macron en matière sociale, c’est bien le barème des prud’hommes dans lequel la réforme du Code du travail de 2017 a enserré les dommages et intérêts en cas de licenciement abusif. Le chef de l’Etat avait tenté de l’imposer sans succès en 2015, quand il était à Bercy. Autant dire que les premières décisions de la Cour de cassation sur le sujet sont très attendues.
Elles ne tomberont pas en pleine campagne électorale, mais juste après l’élection présidentielle . Précisément le 11 mai, a annoncé le président de sa chambre sociale jeudi midi. Bruno Cathala s’exprimait à l’issue de la première audience de la haute juridiction sur le sujet, qui a permis de planter le décor.
Engagements internationaux
Depuis le début, la polémique tourne autour de la question du respect ou non par le barème de deux engagements internationaux de la France, qui imposent une réparation « adéquate » du préjudice à défaut d’être intégrale. Dans un avis rendu en juillet 2019 , la Cour de cassation réunie en assemblée plénière avait estimé que le barème était bien conforme à l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et que l’article 24 de la Charte sociale européenne ne pouvait être invoqué car ne s’imposant qu’aux gouvernements.
Cette prise de position empêche d’écarter le barème, a estimé Anne Berriat, la première avocate générale à la chambre sociale, jeudi, dans un avis très engagé. Mais elle n’empêche pas de juger « in concreto », c’est-à-dire en prenant en compte les particularités de l’affaire, a-t-elle ajouté.
A la crainte d’une avalanche de contentieux exprimée par les avocats côté patronal, elle a opposé le bilan provisoire des ordonnances publié fin 2021 , selon lequel les jugements ne suivant pas le barème sont rares. Ils ont également critiqué le risque d’un gouvernement des juges et enjoint la chambre sociale à ne « pas ouvrir la boîte de Pandore » et à « sauver le barème ».
Les avocats côté salariés et syndicats ont pour leur part pointé le cas des salariés ayant de petites anciennetés, particulièrement pénalisés et découragés d’aller en justice par la faiblesse des indemnisations imposées.
Cas d’école
La chambre sociale de la Cour de cassation aura à s’exprimer sur un cas d’école , ce qui renforcera la valeur de sa décision. L’une des affaires examinées porte sur l’indemnisation du licenciement abusif d’une salariée quinquagénaire à son retour d’arrêt, ses sept mois de congé maladie ayant réduit son ancienneté sous les cinq ans et qui, deux ans après, n’avait toujours pas retrouvé d’emploi. Cela donnera d’autant plus de valeur à la décision qui sera rendue en mai.
Cette décision devra intégrer un tout nouvel élément, qui a donné lieu à une interruption de séance car les avocats n’en avaient pas eu connaissance : la publication par l’OIT d’un rapport sur la réclamation de la CGT et de FO sur le barème. Ce rapport affirme que « la conformité d’un barème […] avec l’article 10 de la convention [158] dépend du fait que soit assurée une protection suffisante des personnes injustement licenciées et que soit versée dans tous les cas, une indemnité adéquate ». Il demande « dans ces conditions » au gouvernement français d’« examiner à intervalles réguliers, en concertation avec les partenaires sociaux, les modalités du [barème] ».