Un problème de riche qui aiguise les appétits. L’usage des excédents de l’Unédic est au coeur de la prochaine négociation sur les règles de l’assurance-chômage, qui a démarré formellement ce mardi avec l’envoi par Matignon du document de cadrage aux partenaires sociaux. Sont attendus des surplus de plus de 18 milliards d’euros d’ici à 2025 selon les prévisions du régime, davantage selon le gouvernement, à répartir entre le désendettement du régime, le financement de France travail, le futur service public de l’emploi et la formation professionnelle.
Compte tenu de l’embellie de l’emploi et de la masse salariale qui va avec, d’un côté, de la baisse du chômage indemnisé, de l’autre, l’Unédic prévoit de dégager des soldes historiques : 4,4 milliards en 2023 puis 5,4 et 8,7 milliards les deux années suivantes. Se basant sur des hypothèses de croissance du PIB meilleures, l’exécutif anticipe encore plus.
A condition que le marché du travail ne se retourne pas, il maintient son objectif du plein-emploi d’ici à la fin du quinquennat. Soit un taux de chômage d’environ 5 % de la population active en 2027, contre 7,1 % actuellement, ce qui suppose la création d’un million d’emplois supplémentaire.
Que faire de tout cet argent ? Pour les partenaires sociaux c’est simple, si l’on se réfère à leur prise de position : les excédents doivent servir à 100 % à rembourser les 60,7 milliards de dette du régime, montant constaté fin 2022. Pas de problème pour le gouvernement pour qui une part des excédents doit servir ce but. Mais une « part majoritaire », précise-t-il dans le document de cadrage. La part minoritaire, elle, sera « transférée au financement de la politique pour le plein-emploi ».
Les chiffres avancés ne laissent pas vraiment le choix aux syndicats et au patronat, et montrent que l’exécutif a déjà fait ses calculs. Ainsi, pour permettre cet « investissement » dans l’apprentissage principalement, les recettes de l’Unédic (cotisations chômage patronales et CSG) seront ponctionnées ainsi : -2 milliards dès 2023 sur 46,6 milliards prévus par l’Unédic, puis, « pour la durée de la convention », entre -2,5 et -2,7 milliards en 2024 (sur 48,2 milliards), entre -3 et -3,2 milliards en 2025 (sur 49,5), entre -3,5 et -4 milliards en 2026 (chiffre non encore disponible).
Entre 11,5 et 12,9 milliards de ponctions
Par ailleurs, l’Unédic est appelé à augmenter sa contribution à Pôle emploi, demain France travail, opérateur principal du réseau éponyme. Actuellement, l’Unédic lui reverse chaque année N 11 % de ses recettes de l’année N-2, ce qui assure les deux tiers de son budget. Cette contribution « a vocation à monter en charge au fur et à mesure que le régime dégage des excédents pour atteindre en 2026 entre 12 % et 13 % des recettes de l’Unédic », juge Matignon.
De quoi dégager entre 500 millions et un milliard de plus que ce qui est anticipé à ce stade. Reste alors à voir si le gouvernement, tout à sa recherche d’économies, maintiendra ou non sa quote-part d’un tiers au budget de Pôle emploi. « Sujet non encore tranché », répond-on dans l’entourage du ministre du Travail, Olivier Dussopt.
L’un dans l’autre, ce sont donc entre 11,5 et 12,9 milliards d’euros sur les recettes de l’Unédic que le gouvernement « demande » aux partenaires sociaux de consacrer au plein-emploi. Sachant que la nouvelle convention d’assurance-chômage (si les partenaires sociaux arrivent à un accord) « ne devra pas dégrader la situation financière du régime, par rapport à celle qui aurait prévalu en pérennisant les règles en vigueur […] », hors mesures seniors qui seraient décidées, revalorisation annuelle des allocations, et les milliards de ponctions.
Tout cela, anticipe Matignon, permettra à l’Unédic de diviser par « près de deux » sa dette d’ici à 2026, pour l’amener à 30 milliards environ. La CGT a dénoncé un « hold-up » et « entend discuter avec les autres syndicats pour prendre une décision concertée ».