Le gouvernement aurait-il été trop pessimiste dans ses prévisions économiques post-coronavirus ? La question se poserait presque à la lecture de l’avis rendu ce mercredi par le Haut Conseil des finances publiques, qui porte sur le troisième projet de loi de Finances rectificative (PLFR) présenté ce jour en Conseil des ministres.
D’ordinaire, ces sages budgétaires sont prompts à dénoncer les hypothèses optimistes prises par les gouvernements, quels qu’ils soient, pour enjoliver leurs comptes publics. Mais ici, leur position serait plutôt à front renversé : le Haut Conseil « considère prudente la prévision du gouvernement d’un recul de l’activité de 11 % en 2020 », et juge qu’il est possible que les conditions actuelles « conduisent à une récession moins marquée », est-il écrit dans cet avis.
Motifs d’espoir
Contrairement au deuxième PLFR voté en avril où l’exécutif espérait encore une reprise rapide au deuxième semestre , il a cette fois basé ses prévisions sur une « activité au second semestre nettement en dessous de son niveau de la fin 2019 », comme le relèvent les sages budgétaires. C’est ce qui explique que la récession soit attendue à -11 %, contre -8 % il y a deux mois.
Mais le Haut Conseil voit pourtant quelques motifs d’espoirs. Il y a d’abord « la poursuite de l’évolution favorable du contexte sanitaire ». qui pourrait accélérer la reprise. Une opinion pas si éloignée de celle exprimée par Geoffroy Roux de Bézieux dans « Les Echos », disant « refuser de considérer les destructions massives d’emplois comme acquises ».
Epargne des ménages
Ensuite il n’est pas dit que les ménages ne retrouvent pas plus vite le goût de la consommation. Plus de 100 milliards d’euros ont gonflé leur épargne durant le confinement. « Le gouvernement prévoit un simple retour à la normale du comportement d’épargne des ménages, sans aucune utilisation de ce surcroît d’épargne, ce qui limite ainsi l’ampleur du rebond de la consommation », écrit le Haut Conseil. Mais celui-ci considère que « le taux d’épargne pourrait être inférieur au niveau exceptionnellement élevé prévu par le gouvernement pour 2020 (23,2 % contre 14,9 % en 2019), et donc la consommation plus élevée ».
Du coup les sages budgétaires n’excluent pas une récession moins forte, et jugent également que « que le niveau de l’emploi pourrait être un peu plus élevé que prévu par le gouvernement ».
Déficit toujours très haut
Pour autant, ce léger regain d’optimisme ne vaut pas pour la situation des comptes publics. Certes, les recettes pourraient finalement résister un peu par rapport à la chute annoncée, grâce à ce possible léger mieux de l’activité. Mais le Haut Conseil note que « les mesures de soutien de l’activité annoncées par le gouvernement, notamment des plans sectoriels de relance, n’ont pas toutes été traduites dans ce PLFR ». En outre, « une partie des mesures que le gouvernement considère comme n’ayant pas d’effet direct sur le solde pourrait finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année », est-il écrit. En clair, pas de quoi remettre en question la prévision d’un déficit à 11,4 % du PIB.
La lecture de cet avis permet de constater que le gouvernement a désormais engagé 133,5 milliards d’euros en réponse à la crise du coronavirus – le montant était de 110 milliards mi-avril . Sur ce total, 57 milliards auront un impact direct sur le déficit (un bond de 15 milliards par rapport au deuxième PLFR), le reste relevant notamment de mesures de trésorerie. Au total, « la dépense publique croîtrait ainsi de 6,4 % en valeur en 2020, après 2,3 % en 2019 », et représenterait fin 2020 63,6 % du PIB, « un niveau jamais atteint au cours de ces 70 dernières années ».
Quant à la dette publique, elle est attendue à 120,9 % du PIB fin 2020. « Depuis la création de l’euro en 1999 et jusqu’à l’an dernier, un tel niveau de dette n’avait été atteint au sein de la zone euro que par très peu de pays », juge le Haut Conseil qui appelle à « une vigilance particulière » sur le sujet.