Depuis le début de l’année, l’optimisme des Français avait déjà commencé à flancher. L’accélération de l’inflation et le climat anxiogène liés à la guerre en Ukraine ont fini par avoir raison, pour de bon, de leur humeur. En mars, l’indicateur de la confiance des ménages mesuré par l’Insee a littéralement décroché. Il perd 6 points, a indiqué ce mardi l’Institut. A 91, il se situe pour le troisième mois d’affilée en dessous de sa moyenne de longue période (100).
Pour les Français, l’horizon s’est brutalement assombri. « En mars, le solde d’opinion des ménages relatif à leur situation financière perd 16 points » indique l’Insee. Ils sont donc nettement moins nombreux à juger opportun de faire des achats importants (- 3 points). Et se disent plus pessimistes sur leur niveau de vie futur.
Peur de l’inflation
Le retour de l’inflation est bien sûr au coeur de leurs états d’âme. La part des Français considérant que les prix vont accélérer grimpe de 50 points. « Elle atteint ainsi son plus haut niveau jamais enregistré depuis le début de la série en 1972 », souligne l’institut statistique.
La flambée des cours de l’énergie provoquée par la reprise est depuis un mois accentuée par les sanctions occidentales contre la Russie. La facture s’annonce élevée pour les Français : « 420 euros de plus par ménage sur l’ensemble de 2022 si le Brent reste à ses niveaux actuels jusqu’en décembre et en supposant que l’Etat maintienne sa ristourne de 15 centimes sur le restant de l’année » a calculé Sylvain Bersinger, économiste chez Asterès. S’ajoute l’augmentation à venir des prix des denrées alimentaires tirés par l’envolée des cours du blé et des engrais.
Résultat : l’exécutif a beau avoir pris des mesures pour atténuer le choc, les Français anticipent une perte de pouvoir d’achat. Depuis des mois, c’est d’ailleurs leur premier sujet de préoccupation, et c’est sur ce terrain qu’ils attendent les candidats à la présidentielle .
S’il est difficile de « transcrire en chiffres macro-économiques des indicateurs de tendance », comme le souligne Sylvain Bersinger, les économistes sont unanimes : la nouvelle donne créée par la crise russo-ukrainienne va avoir des effets significatifs sur l’activité. Selon les dernières projections de l’Insee publiées le 16 mars, la consommation – premier moteur de la croissance française – serait pénalisée et baisserait de 0,5 % au premier trimestre.
Baisse des dépenses non essentielles
Les plus modestes, qui ont des marges de manoeuvre limitées, sont les plus touchés car ils doivent freiner les dépenses non essentielles. Ce d’autant qu’ils ont dépensé le surcroît d’épargne accumulé pendant la crise sanitaire, selon une étude du Conseil d’analyse économique .
Moins optimistes sur la situation du pays, les autres catégories de la population risquent elles aussi d’être d’humeur moins dépensière. A moins qu’elles ne puisent dans leur bas de laine qui a atteint 318 milliards d’euros à la fin de l’année passée – dont 175 milliards de sur-épargne amassés au moment de la pandémie, selon la Banque de France.
Impact sur le chômage
Face à la valse des étiquettes, les ménages sont un peu moins nombreux à juger opportun d’épargner (- 3 points). Le solde d’opinion demeure toutefois largement au-dessus de sa moyenne de longue de période. « Cela laisse supposer que l’épargne de précaution devrait rester à un niveau élevé », estime Denis Ferrand, directeur de Rexecode. Et ce même si « pour l’instant, les salaires réagissent modérément à la hausse des prix », relève l’économiste Philippe Crevel du Cercle de l’Epargne. « Si le SMIC est revalorisé , il faudra évaluer l’impact sur les autres salaires », ajoute-t-il.
Sur le front du marché du travail, les Français sont là aussi devenus un peu plus pessimistes. Après des mois d’embellie, ils s’attendent à un retournement : les craintes d’une remontée du chômage ont bondi de 9 points en mars tout en restant à un niveau très raisonnable.