Depuis une vingtaine d’années, chaque président de la République nouvellement élu promet le retour à l’équilibre des comptes publics et la baisse de la dette pour la fin du quinquennat, avant de constater cinq ans plus tard que le résultat est nettement différent . Est-ce que la nouvelle gouvernance budgétaire votée par le Parlement est de nature à changer cette habitude ?
Le prochain gouvernement devra en tout cas s’engager en 2022 sur l’évolution de la dépense publique d’ici à 2027 et tenir un débat annuel sur la soutenabilité de la dette. C’est ce qui ressort de la proposition de loi organique que les députés votent définitivement ce jeudi.
« C’est une mini-révolution en termes de gouvernance des finances publiques. Le niveau d’endettement va enfin faire l’objet d’un débat institutionnalisé, ce qui nous permettra de poser la question de sa soutenabilité et de faire le tri entre bonne et mauvaise dette », assure Laurent Saint-Martin, rapporteur général du Budget à l’Assemblée (LREM), et initiateur avec Eric Woerth (LR), le président de la Commission des finances du Palais-Bourbon, de cette proposition de loi.
Le Sénat irrité
Les deux députés avaient lancé il y a près de trois ans ce chantier de la modernisation de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui régissent la gouvernance budgétaire. La crise du Covid avait ralenti les travaux, avant que ceux-ci n’aboutissent par un premier vote de l’Assemblée nationale en juillet dernier , avec la bénédiction de l’exécutif. Un timing qui avait irrité les sénateurs et les avait poussés à exprimer leurs réserves en septembre sur ce texte, vu comme une façon pour l’exécutif de se refaire une réputation de sérieux budgétaire à peu de frais.
Après une soirée de négociation lundi soir en commission mixte paritaire, députés et sénateurs sont finalement arrivés à une version définitive qui reprend l’architecture du texte de Laurent Saint-Martin et Eric Woerth. Un débat sur la soutenabilité de la dette se tiendra donc désormais tous les ans en septembre à l’Assemblée nationale, avant l’examen du budget. « Cela permettra de rentrer dans la séquence budgétaire par le biais de la dette, ce qui est de nature à influer sur les discussions », juge Eric Woerth.
La dépense publique encadrée
Cette loi vise aussi à cadrer plus fortement l’évolution de la dépense publique. Chaque année, l’exécutif devra distinguer dans le total ce qui relève du fonctionnement et de l’investissement, entendu comme toute dépense relevant le potentiel de croissance de la France. « Ce sera à chaque gouvernement de justifier ses choix, comme d’inclure dans la dépense d’investissement le salaire des enseignants par exemple », soulignent Laurent Saint-Martin et Eric Woerth.
Surtout, le prochain exécutif devra donner en début de mandature une trajectoire de finances publiques pour les cinq ans à venir, avec un montant précis pour chaque année et pas seulement une proportion de PIB, ce qui va imposer un gros travail d’anticipation dès les premiers mois du quinquennat. Tout écart par rapport à ces prévisions devra ensuite être justifié.
Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, voudrait aller plus loin et intégrer cette trajectoire pluriannuelle de finances publiques dans la Constitution pour la rendre contraignante. « Je ne suis pas forcément favorable à une telle règle d’or, il y a d’autres moyens pour assainir les finances publiques », répond Laurent Saint-Martin, tandis qu’Eric Woerth dit « venir peu à peu à cette idée ».