Panier anti-inflation dans les supermarchés, demande d’un geste à Total sur le prix du diesel à la pompe… En pleine tempête sur la réforme des retraites , la question du pouvoir d’achat continue de préoccuper le gouvernement. A raison, si l’on croit l’étude publiée ce mercredi par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Celle-ci montre que le choc subi depuis fin 2021 constitue une atteinte, inédite depuis 1990, au niveau de vie des Français, quand bien même cela aurait pu être bien plus brutal encore sans les milliards déversés par l’Etat.
L’OFCE a ainsi calculé que la réduction du pouvoir d’achat devrait être comprise entre 1,2 % et 2 % fin 2023 par rapport à la situation de fin 2021. Cela représente une baisse de 120 à 190 euros par unité de consommation (le moyen des économistes de tenir compte de la composition des ménages) et par trimestre.
Stagnation du niveau de vie
Cette chute effacerait les gains permis entre 2020 et 2021 grâce notamment au « quoi qu’il en coûte » et au rebond de l’activité, si bien que dans le pire des scénarios, le pouvoir d’achat des Français reviendrait à son niveau de 2019. Cette stagnation sur quatre ans marquerait une rupture par rapport à la tendance à la hausse de 0,9 % par an en moyenne observée depuis 1990.
Pour la seule année 2023, le porte-monnaie des Français devrait être affecté par une diminution des revenus réels du travail, alors que la forte reprise de l’emploi les avait tirés vers le haut les deux années précédentes. La faute, cette année, à une baisse du salaire réel provoquée par l’inflation , qui pourrait toucher le porte-monnaie des Français à hauteur de 130 à 364 euros par unité de consommation cette année.
Pourtant, la note des économistes de l’OFCE Pierre Madec, Mathieu Plane et Raoul Sampognaro montre que le coup de frein aurait été bien plus fort encore sans les aides gouvernementales : sans les mesures sur les prix de l’énergie (bouclier tarifaire et ristourne carburant), la baisse du pouvoir d’achat aurait été sur deux ans de 5 % dans le pire des cas. Ces dispositifs ont représenté un coup de pouce de 790 euros en moyenne l’an dernier par unité de consommation et cela devrait monter à plus de 1.000 euros au total avec 2023.
Les plus modestes aidés
L’étude calcule que ces mesures ont finalement davantage aidé les plus modestes (+5,1 % pour le niveau de vie des 20 % de Français les plus modestes) que les Français aisés (+2,2 % pour les 20 % de ménages les plus riches). Cela n’empêche pas les premiers de rester les plus touchés par la situation actuelle, dans la mesure où la flambée des prix de l’énergie dégrade bien plus leur niveau de vie que pour les Français les plus riches : celui-ci s’est dégradé de 3,5 % pour les premiers, et de 1,7 % pour les Français les plus aisés.
Mais le niveau de revenus est loin d’être le seul prisme par lequel on peut appréhender le choc inflationniste actuel. Les économistes de l’OFCE montrent que la hausse des prix (en tenant aussi compte de l’alimentaire) a été bien plus forte pour les personnes âgées (+0,6 point par rapport à l’inflation moyenne en 2022) et celles résidant en zone rurale. De quoi justifier un peu plus que l’Etat bascule rapidement vers des dispositifs d’aides bien plus ciblés encore.
Ciblage des aides
« Le mérite du bouclier tarifaire est d’avoir permis à la France de disposer rapidement d’un mécanisme de soutien. Il faut maintenant réfléchir à un autre mécanisme de soutien, et on pourrait s’inspirer de ce qui se prépare ailleurs en Europe, comme en Allemagne où l’idée est de lier les compensations en partie à la consommation passée des ménages », analyse Xavier Ragot, président de l’OFCE.
Au-delà du seul bouclier tarifaire, le gouvernement pourra faire valoir que sa politique budgétaire aura aussi donné un coup de pouce au niveau de vie des ménages. L’OFCE montre que le revenu disponible des 5 % de ménages les plus modestes aura grimpé de 400 euros en 2022, soit une hausse de 4,5 %. Il s’agit principalement de l’effet de la revalorisation anticipée des prestations sociales, de l’aide exceptionnelle de rentrée et du chèque énergie.
Les ménages de la classe moyenne et les plus aisés ont eux bénéficié de la revalorisation anticipée des retraites et de la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation.