En 2016, la France se dotait pour la première fois d’un statut de lanceur d’alerte dans le cadre de la loi Sapin 2. Cinq ans et une directive européenne plus tard, le travail est remis sur le métier. Cette fois-ci, l’initiative en revient aux parlementaires. L’audition la semaine dernière à l’Assemblée puis au Sénat de la lanceuse d’alerte Frances Haugen qui fait vaciller Facebook , a donné le « la » du climat des débats : celui d’un consensus sur la nécessité de « renforcer la protection des lanceurs d’alerte ». C’est le titre de la proposition de loi portée par le député Modem Sylvain Waserman et cosignée par son collègue d’En Marche Raphaël Gauvain.
Passage au crible du conseil d’Etat
Jusqu’où ce consensus ira-t-il ? La discussion en commission en fin de semaine dernière a conduit à l’adoption d’amendements d’origine diverse sur un texte qui veut aller beaucoup plus loin que la simple transposition de la directive. Définition élargie, facilitation des saisines, suppression de l’obligation d’utiliser d’abord la procédure interne avant de pouvoir lancer une procédure externe et renforcement de cette dernière, sanctions des procédures-bâillons et des représailles étaient au menu du texte . Il a, la semaine dernière, connu quelques évolutions en commission, notamment à la suite du passage au crible du texte au Conseil d’Etat.
Parmi les évolutions significatives de jeudi dernier figurent l’harmonisation de la protection des salariés et des agents de l’Etat contre les mesures de représailles, la mention dans le règlement intérieur des entreprises de la procédure d’alerte interne sur laquelle le CSE sera consulté ou encore l’affirmation de l’irresponsabilité pénale quand les faits sont commis « dans le but de réaliser un signalement ».
Protection des facilitateurs
Est également instaurée une protection des facilitateurs dans le cas où il s’agit de personnes morales de droit privé à but non lucratif. En clair, les associations ONG ou les syndicats qui viennent en aide aux lanceurs d’alerte.
« La reconnaissance de cette protection est une avancée importante mais elle doit être renforcée dans les débats par la protection des sources des facilitateurs à l’instar des journalistes », souligne-t-on à la Maison des lanceurs d’alerte qui a salué l’initiative parlementaire.
Cet amendement fait « suite aux recommandations du Medef ainsi que de Transparency international lors de leur audition par le rapporteur », est-il précisé dans son exposé des motifs. Cela peut surprendre si l’on se souvient des réticences du patronat à l’égard de la loi Sapin 2. C’est un signe de son évolution sur le sujet, qui fait l’objet d’une « approche plutôt bienveillante » selon Sylvain Waserman.
Au Medef, on juge que la transposition des députés est « assez fidèle à la directive, avec quasiment aucune surtransposition » et on estime que « l’équilibre nécessaire de la protection des lanceurs d’alerte et de la dimension opérationnelle des obligations qui s’imposeront aux entreprises semble globalement respecté ». A un bémol près : « nous resterons attentifs à ce que le recours à la procédure interne soit encouragé comme le permet la directive ».
« Equilibre nécessaire »
L’avocat Charles-Henri Boeringer, associé du cabinet Clifford Chance, émet toutefois deux réserves : « la création d’une infraction pénale pour mesures de représailles va offrir une sorte d’immunité, y compris si la personne qui se dit lanceur d’alerte est malintentionnée ; il est dommage que l’obligation de passer d’abord par la procédure interne n’ait pas été maintenue ».
Parmi les évolutions à attendre de la discussion parlementaire ce mercredi figure la création d’une possibilité pour le juge d’octroyer au lanceur d’alerte des subsides qui lui seront définitivement acquis, quelle que soit l’issue de la procédure. Une proposition que le gouvernement va soutenir.