Le piètre état des finances de la Sécurité sociale va peser sur les générations futures, ont alerté jeudi des sénateurs, dénonçant le manque d’ambition du gouvernement pour corriger le tir.
Examiné la semaine prochaine en séance publique au Sénat, où la droite et le centre sont majoritaires, le projet de budget de la Sécurité sociale « se caractérise par l’abandon de tout objectif non seulement de retour à l’équilibre […] mais aussi de simple stabilisation du déficit », déplorent les membres de la commission des Affaires sociales de la chambre haute.
Aveu d’impuissance
Après avoir frôlé les 40 milliards d’euros en 2020 avec la crise du Covid, le déficit de la Sécurité sociale doit être ramené à 8,8 milliards à la fin de cette année. L’embellie sera cependant de courte durée . Car le déficit va se creuser à nouveau en 2024 (à 11,2 milliards) et continuer de déraper (pour atteindre 17,5 milliards en 2027).
« Le gouvernement présente une trajectoire qui est un aveu d’impuissance », a dénoncé jeudi la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, Elisabeth Doineau (Union centriste). « Il est évident que l’on se projette en laissant la dette aux générations futures », a déploré la sénatrice de la Mayenne. « On met en danger notre système social. »
La gestion de la dette sociale en question
Pour marquer sa désapprobation, la commission a rejeté la trajectoire financière proposée par le gouvernement jusqu’en 2027 dans son projet de budget. La capacité des sénateurs à corriger le tir est cependant très limitée. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, déjà examiné par les députés, est promis à une adoption via l’article 49.3 lors d’une seconde lecture à l’Assemblée. Le gouvernement aura donc le dernier mot.
Cette situation n’empêche pas les sénateurs d’alerter sur les outils de gestion de la dette sociale, allant de pair avec les déficits. Depuis la fin des années 1990, la dette sociale est cantonnée et son remboursement est assuré par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), financée par la CSG et la CRDS.
Prolonger la durée de vie de la Cades ?
Cet outil est cependant censé disparaître en 2033. Si bien que les transferts de dette sociale à la Cades sont aujourd’hui limités. « Seulement 8,8 milliards d’euros de transferts seront possibles en 2024 », soulignent les sénateurs.
Pour aller plus loin, il faudrait prolonger la durée de vie de la Cades. Une décision politiquement sensible et qui ne peut être prise que par une loi organique.
Le gouvernement temporise
Si rien ne change, c’est l’Urssaf Caisse nationale (ex-Acoss), qui va devoir gérer l’accumulation des déficits de la Sécurité sociale, en empruntant à court terme sur les marchés financiers, soulignent les sénateurs. De quoi « susciter un risque de liquidité ».
« Durant la période de la Covid-19, l’Acoss avait déjà géré un haut niveau d’endettement, et nous n’avons aucune inquiétude pour 2024 », a temporisé le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave, interrogé par les sénateurs sur le sujet.
Celui-ci a cependant reconnu qu’un « travail » était mené pour « rendre finançable et soutenable la dette sociale au sens large ». Le gouvernement a par ailleurs promis une « revue de dépenses » pour mieux maîtriser les dépenses sociales. Dans le champ de la Sécurité sociale, cet exercice est censé permettre d’identifier 6 milliards d’euros d’économies à dégager d’ici à 2025.