Dis-moi où tu as été apprenti et je te dirai où tu travailles. Publiées à quelques semaines d’intervalle en fin d’année dernière, deux études du ministère du Travail éclairent un aspect peu mis en avant avec cette forme d’enseignement qui mêle théorie en centre de formation et pratique en entreprise : au-delà du taux d’insertion professionnelle, élevé, quels sont les points de chute des alternants ?
Les deux études portent sur les jeunes de niveau CAP à BTS et leur devenir dans l’année après avoir décroché, ou non, leur diplôme. De la plus récente, publiée en décembre, il ressort qu’au bout de six mois, 27 % des sortants d’apprentissage en 2022 travaillaient chez le même employeur, 40 % chez un autre. « L’embauche par le même employeur à la fin de l’apprentissage est plus fréquente quand la formation relève du domaine de la production que celui des services », écrivent leurs auteurs.
Pénurie de main-d’oeuvre
Dans la spécialité « génie civil, construction, bois » par exemple, 34 % des jeunes ne changent pas de patron. Avec un taux de 40 %, la palme de la continuité revient à celle de « l’énergie chimie, métallurgie », tandis que dans trois d’entre elles, les employeurs ne gardent qu’un alternant qu’ils ont formé sur cinq. On y trouve notamment « l’hôtellerie, restauration, tourisme », de manière surprenante s’agissant d’un secteur qui souffre de pénurie de main-d’oeuvre.
La seconde étude, publiée deux mois plus tôt, a passé à la loupe le devenir des sortants de 2021 cette fois-ci, et à un niveau au-dessus, celui de la branche professionnelle. Résultat, parmi tous ceux qui étaient couverts par une convention collective pendant leur alternance, 44 % exerçaient un emploi salarié privé dans la même branche, les deux tiers chez le même employeur, ou dans une branche proche.
En parallèle, 16 % travaillaient dans une autre branche, 7 % avaient un emploi ne relevant d’aucune convention (principalement en intérim), les autres travaillant dans le public ou poursuivant leurs études. « L’insertion professionnelle se réalise donc principalement dans la branche de l’apprentissage ou une branche proche », relève l’étude, et c’est encore plus fort avec un diplôme en poche que l’inverse.
Recours au travail temporaire
La correspondance entre branche de formation et celle de l’emploi au bout de six mois varie nettement selon la branche, d’autant que certaines présentent des porosités naturelles entre elles. Le taux d’emploi dans le privé chez le même employeur ou chez un autre d’une branche proche est de 75 % pour celle des officines pharmaceutiques par exemple, de 48 % dans le bâtiment ou encore de 37 % dans le commerce principalement alimentaire, toujours à six mois.
Le recours au travail temporaire brouille un peu les cartes selon les métiers. Il est par exemple très élevé dans la métallurgie, ce qui explique peut-être le faible taux (38 %) d’emploi de ceux qui y restent ou ne s’en éloignent pas trop. L’intensité du lien entre métier et branche peut aussi varier selon que la profession est transverse ou non.
La question de l’orientation
Qu’en est-il au bout de douze mois ? La stabilité du taux d’emploi salarié privé dans la même branche ou dans une branche proche de celle de la formation « dissimule une certaine mobilité professionnelle des anciens apprentis ». Principalement celle de ceux qui n’étaient pas en poste six mois après leur sortie de centre de formation.
De tout cela, l’étude tire une double conclusion. Primo, un changement de branche ne signifie pas nécessairement l’exercice d’un métier différent de celui auquel l’apprenti a été formé. Pour autant, l’insertion accrue dans ces autres branches au bout d’un an « pourrait traduire une difficulté à s’insérer dans les métiers préparés […] ou un souhait d’exercer une autre profession ». En filigrane, cela renvoie à la question, cruciale, de l’orientation des jeunes et à la possibilité qu’ils puissent découvrir les métiers avant de s’engager.