Volons-nous vers la fin de ces billets d’avion qui permettent de traverser l’Europe pour une poignée d’euros et que certains pointent comme l’une des causes du « surtourisme » ? Pour réduire le trafic aérien et favoriser des modes de transports moins carbonés, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) prône, parmi d’autres propositions concernant l’aérien, l’adoption d’une « écocontribution kilométrique renforcée sur les billets d’avion ».
Pourquoi « renforcée » ? Parce que la loi de finance 2020 prévoit déjà une écotaxe qui vient majorer la « taxe Chirac ». Les montants de cette écotaxe vont de 1,50 € pour un billet sur un vol intra-européen en classe économique à 18 € pour un trajet intercontinental en classe affaires.
Des prix pas assez dissuasifs
Ces montants ne sont pas assez dissuasifs selon la CCC qui demande 30 € en classe économique et 180 € en classe affaires pour un vol de moins de 2 000 km. Et respectivement de 60 € et 400 € pour des distances plus longues. Avec une modération pour l’outre-Mer.
La Direction générale de l’aviation civile (DGAC) a sorti sa calculette et estimé le plan de vol financier si cette proposition était retenue dans le futur projet de loi issu des travaux de la CCC. L’écotaxe bondirait de 440 millions d’euros à 4,2 milliards d’euros, entraînant la baisse du trafic passager de 14 à 19 % par rapport à 2019. Et la suppression de 120 000 à 150 000 emplois directs.
Plusieurs organisations environnementales, dont le Réseau action climat (Rac), ont refusé de participer à une réunion de travail le 16 septembre dernier en dénonçant un « processus biaisé », une surreprésentation des acteurs de l’aérien et des chiffres de la DGAC livrés au dernier moment.
Un secteur « qui joue sa survie »
La Fédération nationale de l’aviation marchande (Fnam), qui regroupe la majorité des compagnies aériennes françaises, affirme, elle, que cette taxe serait « une charge insupportable pour un secteur qui joue actuellement sa survie ». Dans l’Opinion du 21 septembre, le directeur général d’Air France-KLM, Ben Smith, a estimé qu’une telle taxe « serait irresponsable et catastrophique ». D’un coût de « 1,2 à 1,3 milliard d’euros par an » pour Air France, elle provoquerait « instantanément des dizaines de milliers de suppressions d’emplois » et empêcherait de remplacer progressivement les avions existants par des modèles émettant « 25 % de gaz à effet de serre en moins ». Des arguments auxquels le gouvernement pourrait être sensible.
Grotesque
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a ainsi déclaré qu’il serait « complètement grotesque » d’instaurer de nouvelles taxes à un moment où l’État injecte des milliards d’euros pour empêcher le secteur de s’effondrer. Et son collègue délégué aux transports, Jean-Baptiste Djebbari a écrit sur le réseau social Twitter que l’objectif gouvernemental est « de verdir les avions, pas de ne les rendre accessibles qu’aux riches », ajoutant cependant qu’il y aurait « un débat démocratique sur l’écotaxe ».
La mise en place d’une écotaxe n’est cependant pas exclue d’autant que le secteur aérien fait face à une pression sociale de plus en plus forte sur les questions environnementales. Des ONG mettent en avant la nécessité de réduire le trafic en raison de son impact climatique, insistant aussi sur ses avantages, comme un kérosène détaxé.
Les responsabilités de l’aéronautique
Le puissant syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) propose de fait une alternative à l’écocontribution : un prix minimum sur les billets d’avion. Un mécanisme proche de ce qu’a décidé en juin dernier le gouvernement autrichien qui ne veut plus de vols à moins de 40 €.
« Cela fait un an que nous travaillons sur cette question, dit Antoine Godier, membre du comité exécutif du SNPL. Ce tarif serait un signal pour les passagers sur les responsabilités de l’aéronautique mais, au contraire d’une taxe, l’argent permettrait aux compagnies d’investir pour aller vers toujours moins d’impact climatique. » Selon lui, « des tarifs ridiculement bas sont souvent du fait d’entreprises moins-disantes socialement pour leurs salariés ».
Une chute de 81 % du trafic
Entre mars et août 2020, les aéroports français ont enregistré une chute de 81% de leur trafic, soit 87 millions de passagers en moins, selon l’UAF. En 2019, le trafic aérien français a approché les 180 millions de voyageurs, en hausse de 4,2% par rapport à 2018. Parmi ces passagers, près de 27 millions ont effectué des vols intérieurs métropolitains (34 millions avec l’outre-mer).
Les acteurs du transport aérien affirment que ce dernier représente 2 % des émissions de CO2 en valeur absolue et qu’il a pris un engagement de réduction de ses émissions à l’échelle mondiale de 50% en 2050 par rapport au niveau de 2005. Les associations environnementales évoquent plutôt 6%.