Le temps de la normalisation est venu. Entre janvier et mars 2022, les défaillances d’entreprise sont reparties à la hausse. Après deux ans où le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron et la bienveillance des organismes sociaux (Urssaf, etc.) les avait fait tomber au plus bas , elles ont bondi de 34,6 % au premier trimestre par rapport à la même période de l’an dernier, selon le cabinet de conseil Altares qui en a comptabilisé 9.972.
Le nombre de défauts reste toutefois encore très éloigné de celui observé avant le Covid. « Sur douze mois glissants, il se situe autour de 30.800, contre 52.000 à fin 2019 », pointe Thierry Millon, directeur des études d’Altares.
En ce début d’année, le tissu des entreprises continue donc de plutôt bien résister. « Grâce au « quoi qu’il en coûte », celles qui avaient des difficultés avant la crise ont pu se remettre d’aplomb », explique l’expert. L’arrivée à échéance au mois d’avril des prêts garantis par l’Etat (PGE) mis en place au printemps 2020, au plus fort de la pandémie « ne représente pas un risque majeur, les entreprises, même les plus petites, disposant encore de liquidités ».
Sociétés nées avant la pandémie
Un retournement se fait toutefois sentir depuis décembre dernier, affectant en particulier les entreprises qui emploient entre 10 et 49 salariés. En hausse de 56 % sur un an, les procédures les concernant sont même plus nombreuses qu’avant-crise, selon les données d’Altares. En réalité, cette remontée des défaillances ne peut être dissociée de l’explosion des créations d’entreprises qui ont culminé autour de 1 million l’an dernier en France.
Au premier trimestre 2022, quasiment la moitié des défauts provient de sociétés ayant moins de cinq ans. L’hécatombe est particulièrement forte pour les structures nées il y a moins de trois ans à l’origine de près de 20 % des procédures (1.927 précisément).
« Créées juste avant la crise sanitaire, elles n’ont pas eu le temps de développer une activité », décrypte Thierry Millon. Quelques secteurs ont concentré les défauts. Parmi eux, la restauration, le commerce, les services aux particuliers (salons de coiffure, etc.), confrontés en début d’année au variant Omicron et à une consommation morose.
Plan de résilience
L’industrie manufacturière a, en revanche, continué de résister. L’invasion de l’Ukraine par la Russie depuis le 24 février laisse toutefois craindre une remontée des défauts dans les entreprises industrielles lors des trimestres à venir. « Les carnets de commandes sont bien garnis mais les entreprises ont du mal à tourner », résume Thierry Millon.
Flambée des prix de l’énergie, pénurie de matériaux, allongement des délais de livraison grippent la production ou empêchent d’honorer les contrats dans les conditions prévues. « Cela veut souvent dire qu’il faut payer l’électricité, les salaires sans avoir des rentrées de chiffre d’affaires en face », souligne-t-il.
Les prochains mois risquent d’être encore plus compliqués. « Toutes les entreprises ne seront pas en mesure de répercuter la hausse de leurs coûts », prévient Denis Ferrand, directeur de Rexecode. De plus, le ralentissement prévisible de la croissance en France risque fort de se traduire par des baisses d’activité.
Environ 6.400 défaillances évitées
Après le « quoi qu’il en coûte », le plan de résilience annoncé par l’exécutif pour faire face aux conséquences économiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie devrait néanmoins limiter la casse. Environ 6.400 défaillances seraient évitées grâce à ce dispositif, estime dans une étude récente l’assureur-crédit Allianz Trade.
Reste que contrairement au « quoi qu’il en coûte », tout le monde ne peut pas prétendre à ce nouveau plan. Seules les sociétés susceptibles de montrer que leurs difficultés découlent de la crise russe recevront un soutien.
La hausse des défaillances va donc se poursuivre, mais sans déferlante, selon Altares. Thierry Millon en attend ainsi 35.000 cette année – contre moins de 28.400 en 2021 -, « si la guerre en Ukraine ne s’éternise pas ». Allianz Trade évoque de son côté une fourchette comprise entre 31.000 et 39.000 en 2022, en fonction de la sévérité des mesures de sanction qui seront engagées contre la Russie.