Les militants de la CFDT durcissent le ton sur les retraites

Alors que la CFDT admet depuis au moins 2010 que la durée de cotisation peut évoluer en fonction de la progression de l'espérance de vie, les 1.600 délégués de la centrale réunis en congrès à Lyon ont supprimé, contre l'avis de la direction, toute référence à ce sujet dans la résolution qui fixe la ligne pour les quatre ans à venir.


Si l’exécutif pensait pouvoir éviter un front syndical commun sur les retraites , un des votes intervenus ce jeudi lors du 50e congrès de la CFDT aura douché ses espoirs. Sur ce sujet sensible, le projet de résolution soumis au vote des militants se contentait de rappeler la position de la centrale. Les militants n’ont pas souhaité la détricoter : la revendication du premier syndicat français d’une réforme en profondeur du système actuel avec le passage à un système par points n’a pas été remise en cause.

En revanche, un autre élément structurant de sa position a été remis en cause, et ce à une large majorité puisque 67,5 % des militants ont voté en ce sens : la possibilité d’une progression de la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein en cas de hausse de l’espérance de vie a été supprimée.

Vote symbolique

Ce vote est d’autant plus symbolique que cela fait près de vingt ans que la CFDT a fait ce choix, qui avait été formellement validé par 59 % des voix au congrès de Tours de 2010 . Quatre ans après, la centrale, dont Laurent Berger avait pris les rênes peu avant, avait soutenu la réforme Touraine prévoyant un allongement de la durée de cotisation à 43 ans d’ici à 2035 assorti de la mise en oeuvre du compte pénibilité que revendiquait la CFDT, dont Emmanuel Macron a fortement réduit la portée, ce que manifestement les militants n’ont pas oublié.

Laurent Berger avait tenté de déminer le terrain mercredi, dans sa réponse sur le rapport d’activité . « Pas d’alerte inutile, pas de mauvais débats entre nous, pas de peur sans fondement », avait-il demandé. « Le seul projet de retraite sur la table aujourd’hui est celui de reculer l’âge légal. Nous le combattons, fermement », avait-il insisté, précisant : « Nous n’avons pas non plus l’intention de valider un allongement de la durée de cotisation au-delà de ce qui est déjà prévu par la loi Touraine ». « La même durée de cotisation pour tous, c’est juste, le même âge de départ est injuste », a défendu Frédéric Sève, en charge des retraites à la commission exécutive de la CFDT.

Un mandat ferme à la direction

Le congrès a donc envoyé un signal fort à la direction de la centrale mais sans pour autant la sanctionner : Frédéric Sève a même été le mieux réélu de la commission exécutive sortante, avec 97,71 % des voix, Laurent Berger en recueillant 96,68 % pour son dernier mandat en troisième position derrière Marylise Léon, la numéro deux, qui pourrait lui succéder. 

Mais la nouvelle équipe quitte le congrès avec un mandat très ferme. « Pouvons-nous voter un texte dont l’ambiguïté pourrait justifier d’allonger encore la durée de cotisation alors que celle-ci est déjà une réalité ? », avait interrogé Arnaud Espel, un délégué des territoriaux de la Somme, chacun ayant en tête la possibilité que l’exécutif, à défaut d’augmenter l’âge de la retraite se rabatte sur une accélération du calendrier de l’allongement de la durée de cotisation. Le congrès a répondu non seulement non aux 65 ans mais pas question d’aller au-delà de ce que prévoit la loi Touraine . Les tenants de la réforme au sein de l’exécutif considéreront quant à eux que le relèvement de l’âge légal est plus que jamais incontournable, puisque de toute façon, aucun compromis ne sera possible.

Ce positionnement de la CFDT s’inscrit dans un climat global de durcissement de la centrale qui s’est aussi traduit dans le vote d’un autre amendement sur le partage de la valeur, à inscrire dans le contexte de la montée des revendications salariales liées au pouvoir d’achat.

« Les richesses créées par l’entreprise doivent être mieux réparties. Elles doivent rétribuer les travailleurs et les actionnaires », affirmait le projet. Dans le texte final, il est seulement précisé qu’elles « doivent mieux rétribuer les travailleurs ».

Par ailleurs, avec cette fois-ci l’accord de la direction, les militants ont étoffé les exigences sur les ordonnances de 2017 – sujet ultrasensible – en exigeant la renonciation à la limitation à trois du nombre maximum de mandats que peut faire un élu du personnel.


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