La nomination de Benoît Coeuré à la tête de l’Autorité de la concurrence, a été validée par les sénateurs et députés des commissions des Affaires économiques, lors d’un vote ce mercredi (à l’unanimité côté députés). Cet économiste de 52 ans, passé par la Banque centrale européenne (BCE) et la direction du Trésor, va donc présider pendant cinq ans l’instance chargée de punir les abus de position dominante, les ententes entre entreprises et de trancher sur les projets de fusions.
Auditionné toute la matinée par les parlementaires, le candidat favori de Bercy s’est inscrit dans la ligne de Bruno Le Maire, qui fait de la « reconquête industrielle » sa priorité. Pour le nouveau patron de l’antitrust, dont le profil d’économiste tranche avec celui de ses prédécesseurs (des juristes issus du Conseil d’Etat) et qui a été chargé du suivi des aides aux entreprises pendant la crise sanitaire, l’Autorité de la concurrence doit agir en « soutien de la politique industrielle et sectorielle ». Un positionnement qui fait écho à l’évolution de la doctrine du ministère de l’Economie ces dernières années.
« Panser les plaies du Covid »
« On estime souvent que la concurrence privilégie le consommateur et met des bâtons dans les roues de la politique industrielle, mais je pense qu’on doit aller au-delà de cette idée », a-t-il d’ailleurs souligné. Il considère que l’Autorité doit « garantir un terrain de jeu concurrentiel pour encourager l’innovation ».
La situation économique de la France justifie, selon lui, cette position. « L’économie française doit panser les plaies du Covid. Elle doit restaurer ses avantages comparatifs, qui sont très dégradés, comme le montre notre balance commerciale », a-t-il fait valoir.
« A un moment où la dette publique est élevée, il faut aussi veiller à ne pas léser davantage les contribuables ». Pas question, donc, de laisser des entreprises s’arranger entre elles au détriment des finances publiques, comme ce fut le cas « lorsque des laboratoires pharmaceutiques ont entravé l’arrivée des médicaments génériques ».
Parmi les sujets prioritaires, Benoît Coeuré a mis l’accent sur l’environnement et le numérique. « Concernant la transition écologique, il n’est pas acceptable que des entreprises puissent s’entendre pour retarder l’application de standards », a-t-il averti, citant notamment le dossier récent du Bisphénol A .
Il entend par ailleurs travailler avec Bruxelles sur les cas où des industriels se concertent pour améliorer leurs standards environnementaux mais en faisant parfois grimper les prix. Lui qui surveillait l’inflation comme le lait sur le feu lorsqu’il était membre du directoire de la BCE, se veut très vigilant. « Nous sommes un moteur du soutien au pouvoir d’achat dans cette période où l’inflation remonte ».
Fusion TF1-M6
En ce qui concerne le numérique et la montée en puissance des Gafa dans tous les secteurs, l’économiste compte s’inscrire dans les pas de sa prédécesseure Isabelle de Silva, qui s’est illustrée en sanctionnant durement Apple ou Google durant son unique mandat à la tête de l’Autorité.
Pour mener à bien cette mission, Benoît Coeuré prévient : « Il faut des investissements dans les capacités analytiques et les moyens humains. » Il regrette que la cellule de l’Autorité de la concurrence spécialisée dans l’économie numérique compte seulement cinq personnes, alors que son équivalent britannique emploie environ 200 personnes. Il préconise de développer des algorithmes pour « vérifier si des acteurs ne bougent pas leur prix au même moment » ou « s’il n’y a pas des anomalies sur les marchés publics ».
Pressé de questions sur le dossier le plus sensible du moment – la fusion entre TF1 et M6 – l’ancien banquier central a fait preuve de la plus grande prudence. Il attend les résultats des tests de marché et les réponses au questionnaire nouvellement soumis aux acteurs du secteur. « La procédure est complexe, cela prendra du temps », a-t-il prévenu.