Sans 49.3 mais pas sans enjeu politique. Après son adoption par l’Assemblée nationale début octobre , le projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi » a reçu mardi soir l’onction du Sénat. La voie vers une nouvelle réforme de l’assurance-chômage voulue par Emmanuel Macron s’en trouve confortée, à condition que la commission mixte paritaire trouve un compromis sur les retouches apportées par la chambre haute du Parlement.
Ces retouches, inscrites par la commission des Affaires sociales, ont été validées lors des débats dans l’hémicycle au Palais du Luxembourg malgré la tentative du gouvernement de rétablir son projet de départ. Elles sont loin d’être anodines et vont imposer à la majorité un savant jeu d’équilibre entre députés et sénateurs LR qui joueront les arbitres.
« Redonner la main aux partenaires sociaux »
La première modification porte sur les refus de certains salariés de convertir leur CDD ou mission d’intérim en CDI. Adopté en commission des Affaires sociales , un nouvel article supprime l’accès aux allocations chômage après trois refus au cours des douze derniers mois. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, y a opposé des réserves pratiques – l’employeur doit transmettre la proposition de CDI à Pôle emploi – mais aussi, et c’est nouveau, de fond.
« Il n’y a pas de raison de sanctionner un salarié qui est allé au bout de son engagement. La situation est très différente de celle de l’abandon de poste qui relève d’une décision unilatérale », a-t-il plaidé, rappelant que l’employeur peut refuser de verser la prime de précarité. Le changement de posture est notoire car à l’Assemblée, le gouvernement avait renvoyé le sujet à plus ample expertise .
Pour la sénatrice LR de l’Isère et rapportrice du projet de loi, Frédérique Puissat, il faut au contraire en revenir à ce qui fonde le droit à percevoir une allocation chômage, à savoir la privation involontaire d’emploi. Enchaîner des CDD est un choix de vie que l’on doit respecter, mais « à partir du moment où on fait ce choix de vie, on n’a pas le droit à l’allocation chômage », a-t-elle défendu.
Calendrier chargé
Les autres changements importants concernent l’article 1. Dans sa version initiale, il autorisait le gouvernement à définir les règles d’indemnisation des chômeurs jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard, le temps de faire aboutir une négociation des partenaires sociaux sur la gouvernance de l’Unédic. Au nom du respect du paritarisme, les sénateurs ont ramené l’échéance au 31 août. Cette liberté donnée au gouvernement, « il n’est pas nécessaire de la faire durer plus que nécessaire », a défendu Pascale Gruny, sénatrice LR de l’Aisne.
Invoquant un calendrier très chargé – mise en place de France travail, convention entre l’Etat, l’Unédic et Pôle emploi, gouvernance du régime d’assurance-chômage – Olivier Dussopt a défendu le maintien de l’échéance. « Nous redonnons la main aux partenaires sociaux au travers d’un dispositif transitoire qui s’inspire de l’article L1 du Code du travail », lui a rétorqué sèchement Frédérique Puissat.
Les sénateurs ont enfoncé le clou en imposant un retour aux règles de gouvernance des négociations de la convention Unédic qui prévalaient avant celles instaurées par la loi Pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018. Résultat, tel qu’adopté, l’article 1 prévoit d’en revenir à un document d’orientation – et non plus d’une lettre de cadrage, plus corsetée.



















