Quand la crise s’installe, les amortisseurs sociaux entrent en action , des allocations-chômage aux prestations familiales. Mais la prime d’activité fait tout le contraire : cette prestation sociale de soutien au revenu des travailleurs modestes plonge si l’emploi se raréfie. On pouvait donc s’attendre à ce qu’avec la crise du Covid elle subisse le premier choc baissier de sa brève histoire – elle est née en 2016, et a été fortement revalorisée en 2019 suite à la colère des « gilets jaunes ».
Il n’en a rien été. En 2020, avec 77.000 foyers bénéficiaires de plus, la prime d’activité a profité à 4,43 millions de foyers, un record. Quant à la dépense comptable, elle a encore progressé de 2,3 %, à 9,8 milliards d’euros. La projection budgétaire de 9,5 milliards d’euros a été insuffisante, comme l’année précédente, où la prestation avait coûté 9,6 milliards au lieu des 8,8 milliards envisagés fin 2018.
En réalité, l’épidémie en dents de scie n’a pas entraîné une crise économique aussi violente que redouté. La reprise de l’activité de l’été 2020, entre deux confinements, a été une bonne surprise, qui a dopé le nombre de bénéficiaires de la prestation avec un petit temps de retard, à partir d’octobre. Du coup, la trajectoire financière de la prime d’activité n’a pas plongé, même si la dynamique du premier trimestre 2020 a fléchi.
Cependant, depuis début 2021, le nombre d’allocataires baisse, d’après les indicateurs avancés de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), qui gère la prestation : 79.000 foyers de moins fin février par rapport à fin décembre. En deux mois, toute la croissance des effectifs de 2020 aurait été effacée. Une nouvelle publication avancée de la CNAF, vendredi, indiquait que la baisse fin mai s’élevait à 130.000 foyers depuis le début de l’année.
Les revalorisations « Ségur » chassent la prime
Cette marche arrière s’explique dans certains cas par la perte d’un emploi, souvent en lien avec la crise. Mais elle est positive pour certains allocataires qui ont au contraire dépassé le plafond de revenu – qui varie en fonction de la composition du foyer et de la rémunération du conjoint. « Ainsi, une grande partie de l’augmentation des fins de droits (65 %) s’explique par la hausse des ressources des allocataires, en lien avec la reprise économique à l’automne », écrit la CNAF. Un pourcentage qui n’a pas varié fin mai.
La forte revalorisation des personnels hospitaliers via le « Ségur de la santé » (183 euros nets par mois en deux étapes, septembre puis décembre) a notamment provoqué l’éviction de certains salariés modestes. Avant le Ségur , les aides-soignants par exemple étaient payés au SMIC en début de carrière, et donc éligibles à la prime d’activité.
A ce niveau de revenu, le montant de la prime d’activité est maximal . Ensuite, il diminue progressivement pour disparaître autour de 1.800 euros net pour un célibataire sans enfant. Les augmentations de salaire, couplées à l’effet saisonnier des primes de début d’année, ont ainsi provoqué un léger affaissement du montant moyen de prime d’activité. Ce dernier était de 184 euros par mois en septembre 2020.