Croissance zéro au premier trimestre , inflation à 4,8 % en avril … A regarder les dernières données de l’Insee, le nouveau quinquennat commence sous des vents très défavorables sur le plan économique. Le conflit ukrainien a cassé la dynamique de la reprise.
Si un ralentissement de l’économie tricolore était anticipé, l’atterrissage est plus brutal qu’attendu. L’institut statistique prévoyait une hausse de 0,3 % du PIB entre janvier et mars 2022. In fine, l’Hexagone fait moins bien que la zone euro, où le PIB progresse de 0,2 % en moyenne sur la période.
Dans ce contexte, l’exécutif, qui n’a pas revu son objectif d’une hausse de 4 % du PIB en 2022 établi l’an dernier, ne devrait sans doute pas tarder à réexaminer sa copie. Le 20 avril, le Fonds monétaire international a déjà ramené sa prévision pour l’année de 3,5 % à 2,9 %. Un rythme encore soutenu, qui découle de la vigueur de la reprise l’an dernier et de l’acquis de croissance pour l’année 2022. A fin mars, il est estimé à 2,4 % par l’Insee, qui a relevé de 0,1 point, à 0,8 %, la croissance au dernier trimestre 2021.
Consommation en berne
En ce début d’année, l’envolée des prix a grippé le principal moteur de la croissance française : la consommation a chuté de 1,3 % au premier trimestre sous la pression des événements : résurgence de la pandémie avec le variant Omicron, guerre en Ukraine et, surtout, hausse des prix à des niveaux inédits. L’inflation pèse sur le moral des Français, qui craignent des pertes de pouvoir d’achat. En mars, leurs achats de biens, en volume, ont diminué de 1,3 %. Contraints d’ajuster leur budget, les ménages ont réduit de 2,5 % leurs dépenses alimentaires et de 1,6 % celles d’énergie.
De son côté, la production de biens et services a ralenti, en hausse de 0,5 % au premier trimestre, contre 1 % les trois mois précédents. En revanche, malgré la flambée des coûts et les difficultés d’approvisionnement liées à la guerre et aux confinements en Chine, l’investissement des entreprises non financières a continué de tenir (0,7 %). Les carnets de commandes sont, il est vrai, bien remplis. Et la bonne surprise vient du commerce extérieur, qui apporte une contribution légèrement positive au PIB grâce à une hausse plus rapide des exportations (+1,5 %) que les importations (+1,1 %).
Stagnation
Tout laisse à penser que les prochains mois seront difficiles. Comme d’autres confrères, Patrick Artus , conseiller économique de Natixis, dit s’attendre à « une stagnation de l’activité en France au cours des trois prochains trimestres ». Certains imaginent aussi que l’Hexagone n’échappera pas à une « récession technique ».
« Le choc de prix est le plus grand risque pour l’économie française », estime Denis Ferrand, directeur de Rexecode, proche du patronat. Tout va dépendre de l’évolution de la crise ukrainienne et des sanctions contre la Russie. « En cas d’embargo sur le gaz et le pétrole russe, la croissance française pourrait être limitée à 1,8 % en 2022 et une récession sera inévitable l’an prochain. Autrement, elle peut espérer une hausse de 3 % de son PIB cette année », assure Ana Boata, directrice de la recherche économique chez Allianz Trade.
Selon elle, « la France est entrée dans la crise avec des armes pour faire face aux vents contraires : elle est moins dépendante du gaz russe que d’autres pays, les entreprises ont du cash et les ménages de l’épargne. Le vrai sujet, c’est que leur pouvoir d’achat va baisser cette année. De ce fait, tout va dépendre des mesures de soutien du pouvoir d’achat qui seront mises en place par le gouvernement. L’évolution des salaires au second semestre sera également déterminante ».