Elle ne s’était pas penchée dessus depuis vingt-cinq ans. La Cour des comptes a passé au crible l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) qu’elle épingle sévèrement dans un rapport doublé d’un référé adressé à la Première ministre qui lui enjoint de remettre à plat son fonctionnement.
Cette attaque frontale – sont évoquées des « dérives [qui] auraient pu appeler des qualifications juridictionnelles » – touche un organisme public d’un genre un peu particulier : inspiré du modèle allemand où le DGB est doté d’un institut de recherche, il a été créé en 1982 par la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC, la CFTC et l’Unsa-Education (ex. FEN), et la CGT-FO.
Financé par l’Etat
Rattaché aux services du Premier ministre, il est principalement financé par l’Etat via une subvention publique, via France Stratégie, en baisse constante depuis une dizaine d’années ( -20 % depuis 2010 pour revenir à un peu moins de 2,9 millions d’euros en 2021).
La Cour des comptes se livre à une critique au vitriol. Elle estime en effet que l’ensemble des activités et l’usage des fonds de l’Ires sont insuffisamment contrôlés et les études produites ne sont pas évaluées comme elles le devraient et elles sont insuffisamment valorisées.
L’institut marche sur deux jambes : un centre de recherche avec une équipe qui lui est directement attachée dont les effectifs ont fondu et, pour un peu moins de la moitié du budget depuis 2017, une « agence d’objectifs » qui verse des fonds aux syndicats pour qu’ils puissent financer des études propres.
Aucun contrôle
Cette seconde partie de son activité est particulièrement ciblée par la Cour des comptes. Cette dernière critique les modalités de répartition des fonds entre les organisations qui s’effectue non pas en fonction du coût des études envisagées, mais sur la base d’un forfait fixé selon une clé de répartition immuable, les trois premières confédérations touchant un peu plus que les autres. Elle pointe aussi le fait que ces « dotations généreuses » ne font l’objet d’aucun contrôle.
L’enquête de la Cour montre que certaines études sont livrées plus d’une décennie après avoir été décidées ; un point sur lequel est particulièrement ciblée Force ouvrière. La confédération de l’avenue du Maine ne nie pas le problème mais explique s’en être emparée et avoir bien avancé dans la résorption du retard pris sur plusieurs études, précisant qu’il « ne s’agit pas d’un détournement de fonds mais d’une mauvaise gestion ».
FO particulièrement ciblée
La Cour des comptes critique également la répartition des dépenses entre frais généraux, frais de personnel, frais de diffusion et frais exceptionnels qui apparaît très différente d’une organisation à l’autre, mais sans que l’on puisse isoler la rémunération des équipes de chercheurs. La Cour des comptes est donc allée regarder de plus près plusieurs contrats de recherche et a constaté que les montants qui leur sont versés peuvent être très inférieurs aux sommes versées par l’Ires au syndicat.
La Cour souligne par ailleurs le poids très excessif des « frais généraux ». Ils oscillent entre 31,2 % pour l’Unsa et 88 % pour la CFTC alors que selon les Sages de la rue Cambon, ils devraient être de 10 % à 15 %. Ils représentent au total plus de 6 millions d’euros sur les 10,5 millions versés par l’Ires à l’agence d’objectifs alors que, rappelle la Cour, ces dotations « ont vocation à financer des études et non des dépenses internes des organisations syndicales ». Des chiffrages que l’Ires estime pour sa part « biaisés » dans un communiqué qu’elle a diffusé jeudi.
Scinder l’Ires en deux
Quoi qu’il en soit, la Cour des comptes estime que le fonctionnement actuel doit être revu car « une telle situation ne peut perdurer ». Parmi les six mesures urgentes qu’elle juge nécessaire, il y a en particulier le fait de scinder en deux l’activité de l’Ires, l’agence d’objectif étant intégrée dans le fonds de financement du dialogue social créé en 2014.
Une solution que rejettent les syndicats qui soulignent que ce fonds est géré conjointement avec le patronat et non par les seules organisations de salariés.