C’est devenu le premier poste de dépenses des Français. Le logement est de plus en plus inabordable : pour les étudiants, qui restent de plus en plus longtemps chez leurs parents, pour les jeunes couples, qui retardent parfois leur projet de fonder une famille, ou au contraire restent ensemble à défaut de pouvoir facilement décohabiter, pour les salariés modestes, dont beaucoup sont contraints d’habiter loin de leur lieu de travail.
Pour tous ces profils, le logement social, garantissant un loyer modéré, devrait être une solution. Or il est arrivé à saturation. Aujourd’hui, 2 400 000 ménages sont en attente d’un logement social.
Comment débloquer la situation ? Et pourquoi, alors que les demandes ne cessent d’augmenter, la construction est-elle en baisse ? On pouvait espérer des réponses à l’issue du Conseil national de la refondation consacré au logement (6 mois de concertation avec les acteurs du secteur). Au bout du compte, pour soutenir la production et la rénovation des logements sociaux, le gouvernement met en avant le “pacte de confiance”, assorti de nouveaux moyens de financement, qu’il veut signer avec les bailleurs sociaux. Mais le secteur HLM, qui attendait des mesures d’une toute autre ampleur, dit sa déception.
Hinda, dans l’attente d’un logement social depuis 2015
Hinda s’est retrouvée à la rue en juillet 2022, après avoir été expulsée de son logement. Chaque jour ou presque, elle se connecte sur le site de la mairie pour voir où en est son dossier de demande d’un logement social. Depuis 2015, elle n’a eu aucune réponse positive. En attendant, Hinda vit à l’hôtel avec sa fille de 13 ans.
“J’ai été contrainte de prendre un hôtel privé pour être à l’abri du froid et du danger extérieur. Je paye 650 euros par mois, par mes propres moyens, pour 10 m2. Ca fait drôle quand même, cela reste une chambre, ce n’est pas un logement. J’ai installé une petite plaque de cuisson, ce n’est pas évident l’organisation.”
Action Logement face à une demande croissante pour du logement social
Le groupe Action logement, aussi appelé le 1% patronal, produit un logement social sur trois en France. Son parc gère également 1 million deux cent mille logements sociaux sur le territoire. 200 000 autres devraient voir le jour d’ici 5 ans, suite à la signature d’une convention avec l’Etat. La présidente d’Action logement, Nadia Bouyer :
“Depuis 20 ans, il y a une augmentation croissante des prix des logements qui est beaucoup plus rapide que l’augmentation des revenus des ménages. On a donc de plus en plus de difficulté à accéder à un logement, soit à devenir propriétaire, soit dans le locatif. Cela crée une demande plus forte vers le logement social, qui reste lui abordable, puisque qu’on est dans des loyers encadrés. Quand vous êtes en Ile-de-France, le niveau moyen du parc social est d’environ 7 euros le m2, alors que les loyers du parc privé à paris sont à 24 euros le m2.”
Des coûts de construction plus élevés
Depuis 2021 déjà, les entreprises du bâtiment font face à une hausse des prix des matériaux. Elles ont ensuite subit la crise de l’énergie, en raison de la guerre en Ukraine. Tout cela se répercute sur le prix des nouveaux logements nous explique Olivier Salleron, Président de la Fédération du Bâtiment.
“Le coût d’une construction neuve aujourd’hui, pour une maison individuelle ou des logements dans du collectif, a augmenté entre 20 et 25% en trois ans.”
Les maires en première ligne pour créer du logement social dans leurs villes
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite la loi SRU, impose depuis 2013 un quota d’au moins 25 % de logements sociaux dans les communes. Pour autant certaines municipalités restent loin de respecter cette obligation, faute de foncier disponible, de moyen ou encore de volonté politique.
A Villemomble, en Seine-Saint-Denis, ce quota est respecté, et le maire Jean Michel Bluteau n’ira pas plus loin, malgré une forte demande pour du logement social à prix modéré. Il estime que de nouvelles constructions nuiraient à la qualité de vie des habitants.
“Beaucoup de maires de ma génération défendent le stop à la bétonisation. […] Je suis contre mettre un immeuble en zone mixte, où il y a des pavillons et du petit collectif, je préfère conserver le caractère pavillonnaire de la commune .”
La maire de Fresnes, dans le Val-de-Marne défend un autre modèle : la réhabilitation de son parc social vieillissant. Marie Chavanon.
“Nous avons 35% de logements sociaux à Fresnes, un pourcentage équilibré, donc nous préférons miser sur la rénovation. Certains logements ont été construit il y a 60 ans, certains sont quasiment insalubres et nous avons aujourd’hui pas mal de refus de la part des demandeurs.”
Face à la crise actuelle du logement l’Etat doit s’engager davantage
A l’issue du Conseil National de la Refondation début juin, les professionnels du logement ont jugés insuffisantes les mesures annoncées par le gouvernement pour tenter d’enrayer la crise actuelle. Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union pour l’Habitat, parle d’une occasion manquée.
“Le logement social, c’est un des seul sujets où il y a quand même des élus qui font leurs campagnes municipales en promouvant le fait qu’ils ne vont pas appliquer la loi. C’est terrible, il y a des électeurs qui votent pour des élus qui ne veulent pas respecter le contrat social.“
“Le logement social, il loge la France telle qu’elle est. Donc oui il loge beaucoup de gens qui sont sous le seuil de pauvreté, c’est la réalité de la France, il loge plus de 40% de famille monoparentale, c’est une réalité de la France d’avoir beaucoup de familles monoparentales. On loge beaucoup de salariés, qui sont dit des travailleurs de première ligne et seconde ligne, aides-soignants, policiers, gardiens de prisons, postiers, chauffeurs de taxi, des gens qui gagnent très peu, qui font tourner un territoire et qui ont des évolutions salariales extrêmement basse. En 2022, il y a une augmentation de 7% des demandes de logement social, avec des délais qui vont encore s’allonger. J’estime que la promesses républicaine n’est pas tenu est c’est extrêmement grave.”