Loi immigration : cinq questions sur l’aide médicale d’Etat

Les sénateurs ont voté, pour la suppression de l'aide médicale d'Etat (AME) et son remplacement par une aide médicale d'urgence (AMU). Les défenseurs du dispositif dénoncent une « hérésie humanitaire, sanitaire et financière ».


Urgences de l'Hopital Pasteur 2, Centre Hospitalier Universitaire, Nice FRANCE - 23/06/2023//SYSPEO_sysA031/Credit:SYSPEO/SIPA/2307051216

Les sénateurs ont largement voté un amendement de la droite supprimant l’aide médicale d’Etat (AME). Le dispositif, qui permet aux sans-papiers de bénéficier d’une prise en charge de leurs soins médicaux et hospitaliers, pourrait être remplacé par une aide médicale d’urgence (AMU).

L’Assemblée nationale, qui se penchera à son tour sur le texte à partir du 11 décembre, pourrait annuler la mesure. Qui bénéficie de l’AME ? Sous quelles conditions ? Quels arguments mettent en avant ses défenseurs ? Explications.

1. Qu’est-ce que l’AME ?

L’aide médicale d’Etat (AME) est un dispositif entré en vigueur le 1er janvier 2000. Il permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’une prise en charge à 100 % de leurs soins médicaux et hospitaliers, dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale.

L’AME est notamment attribuée sous condition de résidence : la personne qui en fait la demande doit ainsi séjourner en France depuis plus de trois mois et ne pas avoir de titre de séjour. L’aide est aussi soumise à des conditions de ressources. Pour être éligible, une personne seule doit par exemple gagner moins de 9.719 euros par an en métropole.

Pour l’obtenir, un dossier est à remplir et à déposer physiquement dans les caisses primaires d’Assurance-maladie (CPAM). Une fois attribuée, l’AME est accordée pour un an. Son renouvellement doit être demandé chaque année.

2. Combien ça coûte ?

Pour 2024, environ 1,2 milliard d’euros ont été inscrits dans le projet de finances pour subventionner le dispositif, soit 0,47% des 252 milliards de dépenses prévues dans le budget de l’Assurance maladie. Ce chiffre est en hausse modérée par rapport à 2023. Mais si la progression ralentit, elle reste sensible par rapport à 2017 : les dépenses AME étaient alors de l’ordre de 800 millions.

Le nombre de bénéficiaires progresse aussi. Il a atteint 411.364 fin 2022, contre 380.762 un an plus tôt (soit une hausse de 8 %). Ils étaient 180.000 en 2003.

3. Que propose la droite ?

Dans le cadre de l’examen au Sénat du projet de loi immigration, la droite exigeait une réforme de l’AME. Un amendement a été déposé en ce sens. Les sénateurs ont finalement adopté la suppression de l’AME pour la transformer en « aide médicale d’urgence » (AMU).

Si elle entrait en vigueur – le texte doit encore être examiné par l’Assemblée nationale – l’aide médicale d’urgence serait recentrée sur la prise en charge « des maladies graves et des douleurs aiguës », de la prophylaxie, des soins liés à la grossesse, des vaccinations et des examens de médecine préventive. La droite justifie cette réforme, réclamée de longue date, par les risques d’« appel d’air migratoire » que représente, selon elle, l’AME.

Le coût de l’aide actuelle est aussi pointé du doigt. « Pour les personnes en situation irrégulière, il y a un panier de soins quasiment équivalent à ce qui existe au niveau des Français. La trajectoire va devenir insoutenable financièrement », estime la députée LR Véronique Louwagie, à l’origine de la proposition de loi.

4. Quelle est la position du gouvernement ?

Lors du vote au Sénat, le gouvernement ne s’est pas opposé à la suppression de l’AME. La ministre déléguée aux Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, a justifié la position de l’exécutif par le fait que cette réforme « n’a rien à faire » dans le projet de loi sur l’immigration. « Mélanger les débats sur l’AME et le contrôle de l’immigration est un non-sens », a-t-elle déclaré, assurant que « le gouvernement est très attaché à l’AME », un « dispositif de santé publique ».

En réalité, la majorité est elle aussi divisée sur la question. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a ainsi déclaré, à titre personnel, être « favorable » à la suppression de l’AME et à son remplacement par l’AMU. « Ce n’est pas la position initiale du gouvernement », mais « c’est un bon compromis, qui allie fermeté et humanité », a-t-il expliqué dans « Le Parisien ».

Dans la foulée, la Première ministre avait confié une mission à Patrick Stefanini et Claude Evin pour voir si des adaptations étaient nécessaires. Leur rapport intermédiaire estime que l’aide médicale d’Etat n’est pas un « facteur d’attractivité » pour les étrangers. Beaucoup de sans-papiers n’en font d’ailleurs pas la demande : le taux de recours est de 50 %. Enfin, « quelqu’un qui est à l’AME ne consomme pas plus de soins que quelqu’un qui n’y est pas », a insisté le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.

Pour autant, le gouvernement ne ferme pas la porte à des ajustements. Patrick Stefanini et Claude Evin évoquent ainsi une possible limitation de l’AME dans le temps, pour ne pas inciter à rester dans la clandestinité.

5. Quels arguments mettent en avant les défenseurs de l’AME ?

La réforme a suscité la ferme opposition de la gauche sénatoriale mais aussi des professionnels de santé. Ses défenseurs reconnaissent dans ce dispositif « un outil essentiel à la santé des individus et à la santé publique ». L’AME permet notamment d’éviter la propagation des épidémies, alors que les personnes précaires sont souvent sujettes aux maladies infectieuses. Elle a aussi un intérêt économique : la prise en charge rapide d’une pathologie évite ainsi des soins plus lourds et plus chers.

Ce mercredi, la fédération des hôpitaux publics a dénoncé une « hérésie humanitaire, sanitaire et financière », tout en pointant le risque de « conséquences dramatiques » sur le système de santé, déjà en souffrance. Cette réforme « revient à affaiblir notre système de santé, à rebours du virage préventif souhaité par tous les acteurs », juge-t-elle, déplorant que « les leçons de la pandémie de Covid-19 semblent oubliées ».

« Sur le plan financier, la suppression de l’AME fragiliserait de façon extrêmement forte un hôpital public soumis à de fortes tensions budgétaires » en le privant « des financements associés à la prise en charge des personnes malades, qui continueraient d’être soignées », poursuit la fédération. Elle appelle l’Assemblée nationale, qui se penchera sur le texte à partir du 11 décembre, à rétablir « ce dispositif protecteur essentiel ».


myspotvip

Lorsque vous vous inscrivez et vous recevrez les meilleures offres de MySpotVip et vous recevrez également un guide d'ÉPARGNE.
Préparez-vous pour les offres VIP les plus exclusives et uniques!