Les collectivités et les syndicats d’agents territoriaux n’hésitent pas à parler d’accord « historique ». Ce mardi, ils ont dévoilé un protocole pour permettre à près de 2 millions de fonctionnaires de conserver 90 % de leur rémunération nette s’ils deviennent invalides ou sont touchés par la maladie depuis plus de trois mois.
« Cet accord constitue une avancée sociale majeure pour la fonction publique territoriale », a déclaré Michel Hiriat, président de la Fédération nationale des centres de gestion, qui a signé l’accord aux côtés de six autres associations d’employeurs et six syndicats.
Confrontées à des difficultés de recrutement, les collectivités comptent sur ces garanties en matière de « prévoyance » pour renforcer l’attractivité de la fonction publique territoriale. L’accord qui doit devenir effectif en 2025 veut aussi répondre aux inquiétudes sur « l’usure professionnelle » des agents après l’adoption de la réforme des retraites .
Des contrats d’assurance financés pour moitié par l’employeur
Il est d’autant plus important, aux yeux de ses signataires, que 75 % des agents concernés appartiennent à la catégorie C, associée à des métiers souvent pénibles et à rémunérations faibles. Avec le risque de tomber dans la précarité en cas d’accident de la vie.
« Quand on est un agent territorial avec un salaire médian à 1.900 et quelques euros par mois, et qu’on tombe à demi-traitement au bout de trois mois, parce qu’on tombe malade, à 700-800 euros par mois on ne peut pas se soigner sereinement », a illustré Emmanuelle Rousset, adjointe au maire de Rennes et membre de France urbaine, l’association des grandes villes.
Concrètement, les agents devront obligatoirement souscrire à des contrats d’assurance prévoyance mis en place au niveau des collectivités, qui seront financés à parts égales par l’employeur et l’agent. Ces contrats devront respecter un « socle » de garanties détaillé dans le protocole signé mardi mais ils pourront être plus avantageux.
Un agent sur deux sans garantie de prévoyance
Aujourd’hui, les agents ne sont pas obligés de souscrire à un contrat de prévoyance. Et il n’existe pas de niveau minimum de garantie alors que les agents ne reçoivent plus que la moitié de leur rémunération au bout de trois mois d’arrêt de travail.
Résultat : les jeunes et les agents des plus petites collectivités sont bien souvent mal protégés en cas d’accidents de la vie, ont expliqué les signataires de l’accord. « Aujourd’hui environ 1 agent sur 2 n’est pas couvert par une garantie prévoyance », a souligné Dominique Régnier, secrétaire général adjoint de la fédération de Force ouvrière représentant notamment les agents territoriaux (FO-SPS).
L’accord devra encore être transposé par le gouvernement car il implique l’adoption de textes législatifs et réglementaires. Dans un courrier envoyé le 10 juillet et consulté par « Les Echos », le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a en tout cas salué l’initiative et la « qualité du dialogue social mené» pour parvenir à l’accord.
Réforme pour les autres fonctions publiques
Il a également indiqué aux employeurs territoriaux qu’il ne prendrait pas de disposition sur les garanties statutaires des fonctionnaires qui coûteraient cher aux employeurs territoriaux et remettraient en question l’accord. Le protocole devra par ailleurs être décliné au niveau local.
L’accord s’inscrit dans le cadre de la réforme de la protection sociale des fonctionnaires lancée en 2019 pour faire en sorte que les employeurs publics protègent mieux les fonctionnaires et financent en partie leur protection sociale.
L’idée est aussi de réduire les inégalités entre fonctionnaires et salariés car les entreprises sont déjà obligées de prendre en charge la complémentaire santé de leurs salariés et proposent bien souvent des garanties de prévoyance, même si les syndicats et patronat voudraient les revoir.
« Cliché » sur les avantages des fonctionnaires
« Le cliché veut que les fonctionnaires soient mieux lotis, en matière de participation de l’employeur à la santé, ce n’est pas vrai », a souligné mardi Sylvie Ménage, secrétaire générale de l’Unsa Territoriaux. « Il fallait absolument rattraper ce décalage. » A ce titre, l’accord présenté n’est qu’une première étape.
Les syndicats d’agents et employeurs des collectivités doivent encore trouver un accord sur une meilleure prise en charge des dépenses de santé des agents. Le souhait est d’aboutir «à l’été 2025 au plus tard. » Les négociations ne sont pas simples car les employeurs qui devront financer les contrats d’assurance santé sont attentifs à leurs coûts.
Dans la fonction publique d’Etat, la réforme de l’assurance-santé a pris du retard mais devrait se concrétiser dans plusieurs administrations en 2025. Un projet d’accord sur la prévoyance devrait être présenté le 18 juillet prochain aux représentants des syndicats par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique.