Municipales : dans les Ehpad, la délicate question des procurations

A Marseille, une enquête est en cours sur de possibles manoeuvres frauduleuses visant les résidents d'un Ehpad. Alors que les règles ont été assouplies dans le cadre de la crise sanitaire, la question du vote des personnes dépendantes reste sensible.


« C’est un sujet dont personne ne parle, évidemment », peste un professionnel du grand âge. « A l’approche des élections, les élus font le tour des maisons de retraite et des Ehpad, font la galette des rois, une sortie en minibus et on ne les revoit plus ». Comme n’importe quel tournoi local, kermesse de village ou inauguration, les établissements pour personnes âgées feraient donc partie du parcours du candidat en campagne.

Un portrait « un peu caricatural », tempère Bertrand Coignec, le vice-président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa). « Avant, on voyait des choses comme ça, mais cela arrive de moins en moins ».

Une personne dépendante est-elle un électeur comme les autres ? Le débat n’est pas tranché. « Pendant 10 ans, j’ai fait des campagnes, que ce soit pour les cantonales ou les législatives », témoigne Luc Broussy, président du conseil national du PS et spécialiste des questions liées au vieillissement. « Un jour, en 2012, je suis allé dans un Ehpad en me disant : ce ne doit pas être le seul lieu où on ne fait pas de politique. Pour les résidents, cela accroîtrait l’idée qu’ils sont différents ». Avant de se rendre à l’évidence : « Au bout de 20 minutes, j’ai rebroussé chemin. Quand vous tendez un tract à une personne qui vous regarde, complètement perdue… cela n’a aucun sens ». De fait, les Ephad accueillent des patients en perte d’autonomie, souvent en proie à un lourd handicap psychique. « Ce n’est pas un lieu normal avec des citoyens normaux ».

« Dans ma carrière, je n’ai jamais vu ça »

S’agissant du tractage et de la propagande électorale, le sujet est sensible. C’est encore plus vrai pour le vote par procuration, qui dans le cas des personnes dépendantes peut vite dépasser les frontières de la légalité.

Une enquête est d’ailleurs en cours sur de possibles manoeuvres frauduleuses visant les résidents d’un Ephad marseillais. Selon France 2, une cinquantaine d’entre eux (sur 130), dont certains atteints de la maladie d’Alzheimer, auraient ainsi donné procuration pour le premier tour des élections municipales. Les investigations sont menées en parallèle d’une autre enquête sur des procurations suspectes dans la cité phocéenne. Parmi les mandataires, plusieurs proches de Julien Ravier, le maire LR des 11ème et 12ème arrondissements marseillais. Directement concerné, son directeur de cabinet a été prié de se « mettre en retrait ».

L’exemple marseillais est-il isolé ou symptomatique de pratiques politiciennes douteuses ? « Je ne vous dis pas que ça n’existe pas, mais dans ma carrière je n’ai jamais vu ça », assure Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), pour qui les Ehpad « ne doivent pas être des lieux d’exception » lors d’une campagne politique, tout en convenant qu’il faille « rester vigilant ».

Le vote par procuration très encadré

Pas facile, en revanche, quand les visites sont libres. « En temps normal, dans la plupart des établissements, on ne contrôle pas les entrées. Et sauf pour des cas particuliers comme les familles violentes, on n’a pas la possibilité d’interdire les visites », fait remarquer Bertrand Coignec. « Malgré tout, si ce genre de pratique a pu exister dans le passé, je ne le constate plus du tout, il y a beaucoup plus de respect de la part des politiques. Par ailleurs, le vote par procuration est très encadré, ce qui limite les possibilités de fraude ».

Habituellement, un officier de police judiciaire doit en effet être présent pour officialiser la procuration, et peut se déplacer si les électeurs n’ont pas les moyens de se rendre au commissariat. Mais pour limiter les déplacements en période de pandémie, le gouvernement a autorisé les directeurs d’établissements à jouer le rôle de garant, en récupérant les mandats des résidents. « A aucun moment la direction de l’établissement n’a organisé le vote par procuration, celle-ci étant alors occupée à préserver les résidents de la crise du Covid-19 qui s’annonçait », a toutefois indiqué la direction de l’Ehpad marseillais concerné, précisant qu’elle allait porter plainte contre X. En attendant, les procurations suspectes restent valables pour le second tour.


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