« A saluer » mais peut mieux faire. Tel est le diagnostic que porte Terra Nova sur l’index égalité femmes-hommes créé par la loi Avenir professionnel en 2018. Côté « point fort », il y a bien sûr « l’obligation de résultat » instaurée pour les employeurs, juge le think tank classé à gauche. Si la note obtenue par l’entreprise, sur la base d’une autoévaluation de quatre à cinq critères, est inférieure à 75/100, elle doit prendre sous trois ans des mesures correctives sous peine de sanction, prévoit le Code du travail.
La méthode de calcul n’est cependant pas exempte de critiques, souligne Terra Nova. Ainsi, concernant la mesure des écarts de rémunération, seuls les temps pleins sont pris en compte alors que les temps partiels « sont dans 85 % des cas occupés par des femmes », souligne l’autrice de la note, Kenza Tahri, qui pointe également une marge de tolérance trop importante dans le calcul des inégalités. Autre biais : le deuxième indicateur, concernant les augmentations accordées aux hommes et aux femmes, n’intègre pas leur montant.
L’importance des bas salaires
Idem pour ce qui est des augmentations de salaire suite à un retour de maternité. La loi impose qu’elles soient égales à la moyenne des hausses consenties aux autres salariés, mais l’index ne s’intéresse qu’à l’existence de cette augmentation, pas à son montant.
Par ailleurs, s’il permet de « rééquilibrer les inégalités par le haut et de favoriser l’accès des femmes au ‘top management’» – il faut compter au moins 4 femmes dans les 10 plus hauts salaires pour obtenir les 10 derniers points -, l’index ne dit rien de la prépondérance des femmes dans les bas salaires, source puissante d’inégalités. « Or c’est une réalité pour le plus grand nombre et il aurait été bon d’en tenir compte », estime Terra Nova.
Deux mesures préconisées
Pour améliorer la qualité de l’index, le think tank préconise principalement deux mesures. D’une part, il s’agirait d’ajouter « un bonus » aux entreprises qui emploieraient une plus faible proportion de femmes à temps partiel que la moyenne de leur secteur d’activité.
D’autre part, un nouvel indicateur ferait son apparition : la part des femmes dans les 20 % de salariés de l’entreprise les moins bien payés. Pour rester dans l’épure, Terra Nova, qui veut aussi renforcer la transparence en contraignant les entreprises à informer leurs salariés sur le détail de l’index, propose de substituer ce nouveau critère à celui sur les congés maternité, non respecté par seulement une entreprise sur dix en 2020.
Rester dans l’épure
Ces propositions interviennent alors que le gouvernement a annoncé son intention de revoir l’index, mais sur un tout autre sujet : celui du poids insuffisant des femmes dans les organes de direction des entreprises (17 %). « Je porte l’idée depuis plusieurs mois qu’il faut agir sur les viviers des futurs codir et comex ; il faut augmenter la part des femmes parmi les cadres dirigeants, a expliqué la ministre du Travail, Elisabeth Borne, lors d’un webinaire organisé par le Medef mardi. Il n’est pas normal que près de 40 % des entreprises n’aient que deux femmes dans les plus hautes rémunérations. » « Il va falloir compléter l’index égalité » pour donner « une visibilité à la part des femmes parmi les cadres dirigeants [assortie d’] objectifs de progrès », a-t-elle ajouté.
Le Medef est « prêt à s’engager dans une démarche de travail opérationnel avec la ministre [du Travail] sur l’index de l’égalité », lui a répondu son président, Geoffroy Roux de Bézieux. Une autre proposition a été faite il y a quelques jours par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, afin de mettre en place des quotas dans les codir et comex, à l’instar de ce qu’a imposé la loi Copé-Zimmerman il y a dix ans dans les conseils d’administration. Le Medef n’en veut pas. « Le sujet est totalement différent [des conseils d’administration] car il n’y a pas de renouvellement automatique tous les trois ans des membres des comex et codir », ce qui « rend plus compliqué de prendre des engagements », a souligné le numéro un du Medef.