Le quatorzième rendez-vous aura été le bon. Patronat et syndicats se sont quittés à près de 3 heures du matin dans la nuit de lundi à mardi avec un projet d’accord sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Ce dossier est le sixième à aboutir sur les neuf que comporte l’agenda social autonome arrêté par les partenaires sociaux début 2021. C’est aussi le troisième signé depuis le début d’année, après celui sur le partage de la valeur et celui sur la transition écologique et le dialogue social .
Cette conclusion a été obtenue sur le fil, à quelques heures de l’ouverture des rencontres entre la Première ministre, Elisabeth Borne, et les partenaires sociaux . Il s’agit évidemment d’un signal très politique adressé à l’exécutif, accusé par les syndicats et, dans une moindre mesure, par le patronat de laisser insuffisamment de place au dialogue social.
Signal très politique
La position de l’exécutif sur le contenu de l’accord aura valeur de test en la matière : l’un des trois grands axes de l’accord consiste en la reprise en main de la gestion de la branche par les partenaires sociaux. Actuellement, la branche ATMP est gérée par la Caisse nationale d’assurance-maladie. L’accord prévoit la mise en place d’un « conseil d’administration strictement paritaire », « composé des seules organisations syndicales de salariés et des seules organisations syndicales d’employeurs représentatifs au niveau national et interprofessionnel ».
« Ce point-là a fait très rapidement consensus », a souligné Catherine Pinchaut, la négociatrice de la CFDT. En revanche, les discussions ont achoppé dans la dernière ligne droite sur le mécanisme de reconnaissance des maladies professionnelles qui sont examinées au cas par cas.
Abaissement du taux d’invalidité minimum
Le patronat a consenti un abaissement du taux d’incapacité permanente minimum requis pour faire reconnaître l’origine professionnelle d’une maladie non inscrite dans un tableau de maladies professionnelles, pour que le dossier puisse être examiné par le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Ce taux sera abaissé de 5 points, à 20 %. Cela reste loin des 10 % que demandaient les syndicats, mais « au départ la proposition du patronat ne portait que sur la réalisation d’une étude », a souligné Mireille Dispo de la CFE-CGC.
Les discussions ont été également nourries sur la « prévention primaire », visant à éviter les maladies professionnelles et accidents du travail. « Il vient compléter l’accord sur la santé au travail qui a aussi renforcé le volet prévention », s’est félicité Eric Chevée, le négociateur de la CPME.
Hausse des effectifs
« La tarification [les cotisations versées par les entreprises en fonction de la sinistralité, NDLR] répond à une logique punitive ; ce deuxième pilier est un élément essentiel et il est prévu de le renforcer en augmentant les moyens humains de la branche », a souligné Yves Laqueille, le chef de file du Medef. L’accord prévoit, en effet, de renforcer les effectifs de préventeurs et d’ingénieurs-conseils (objectif : +20 %). Cela représentera une dépense de 100 millions d’euros par an.
La branche ATMP en a les moyens puisqu’elle est systématiquement excédentaire depuis 2013 (sauf en 2020 avec le Covid), et ce malgré la ponction réalisée par l’Assurance Maladie. En 2022, cet excédent est même monté à environ 2 milliards d’euros.
Catherine Pinchaut, négociatrice de la CFDT, a émis un avis favorable sur le texte, la décision devant être prise mercredi après midi par son bureau national. Son homologue de la CFE-CGC, Mireille Dispot, aussi, avec une réponse définitive lundi. Eric Gautron de Force ouvrière a réservé sa réponse, mais souligné la « belle victoire » de l’abaissement du taux d’incapacité pour les CRRMP. Pierre-Yves Montéléon de la CFTC a rendu un avis « plutôt favorable ». Jérôme Vivenza de la CGT a annoncé qu’il allait consulter ses instances. Les syndicats ont jusqu’au 31 mai pour se prononcer.