« C’est en marchant qu’on forgera en quelque sorte ce paritarisme 4.0. » Evoquant le courrier adressé la veille à ses homologues patronaux et syndicaux proposant des discussions sur huit « sujets concrets » , le président du Medef s’est défendu ce jeudi devant l’Association des journalistes économiques et financiers de vouloir refonder le paritarisme, à l’instar de son lointain prédécesseur Ernest-Antoine Seillière, au tournant des années 2000. « Au fond, ce n’est pas tellement de la doctrine [dont il s’agit], plus de l’application à des cas concrets », a-t-il affirmé, soucieux de ne pas cliver en se lançant dans une bataille idéologique.
« Un momentum plutôt positif »
L’« agenda social et économique autonome » qu’il a proposé couvre des sujets très divers, de la formation professionnelle à l’impact sur l’emploi de l’intelligence artificielle en passant par la justice prud’homale, l’autonomisation de la branche accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP) ou encore la « transition climatique et énergétique dans l’entreprise ».
Geoffroy Roux de Bézieux affirme réfléchir à cette initiative « quasi depuis [son] élection… en constatant qu’il y a un recul du paritarisme à la fois de gestion et de négociation depuis de nombreuses années qui s’est accéléré depuis 2017 parce que le gouvernement a pris l’initiative sans toujours mettre dans la boucle les partenaires sociaux ». Du côté des syndicats, on y voit au contraire un « sacré revirement », selon les termes d’un leader confédéral, avec le grand retour de la négociation au niveau national. Pendant plusieurs années, « le Medef ne voulait plus discuter de rien », insiste un autre.
Deux accords en un mois
La crise, mais aussi un gouvernement qui a beaucoup court-circuité les partenaires sociaux ont clairement pesé. La signature en un mois de deux accords, sur le télétravail et sur la santé au travail , a pesé lourd, reconnaît tout le monde, le leader du Medef évoquant un « momentum plutôt positif ».
Du côté de la CPME comme de l’U2P, on est prêt à y aller. Le nouveau président de l’organisation des artisans, petits commerçants et professions libérales, Dominique Métayer, qui juge indispensable d’avoir un agenda autonome, aurait « pu cosigner le courrier ». « La CPME s’est toujours engagée pour un dialogue social paritaire », affirme son président, François Asselin.
Si la CGT veut « prendre le temps de réfléchir collectivement », les autres organisations de salariés accueillent positivement l’initiative. « C’est une bonne démarche », affirme Laurent Berger, de la CFDT, « attaché à la négociation collective et à l’autonomie des partenaires sociaux ». Yves Veyrier, de Force ouvrière , se félicite qu’ait été « réinstallé dans les esprits le fait qu’il y a un espace de négociation au niveau interprofessionnel porteur d’avancées pour les droits des salariés ». Cyril Chabanier, de la CFTC, s’y déclare « plutôt favorable ».
Pas de veto
La liste de sujets à aborder n’est pas fermée, a précisé ce jeudi Geoffroy Roux de Bézieux, ajoutant qu’il « y aura sûrement d’autres propositions ». Du côté de FO, on évoque déjà les chaînes de valeur et la sous-traitance. A FO, comme à la CFDT, à la CFE-CGC ou à la CFTC, personne ne met de veto sur les thèmes évoqués par le Medef, même si certains suscitent la méfiance, en particulier la branche AT-MP. « Elle est excédentaire mais il y a une sous-déclaration des accidents du travail », explique François Hommeril, du syndicat de l’encadrement, qui ne veut pas entendre parler de baisse du taux de cotisation.
Pour l’instant, aucune date n’est fixée, mais les leaders patronaux et syndicats vont arrêter ensemble la liste des sujets à évoquer et le calendrier. « L’idée n’est pas de faire les huit thèmes d’un coup, mais [de se mettre d’accord] dans une réunion à venir, sur ceux qui nous paraissent collectivement les plus pertinents ». Pour la CPME, c’est tout vu. « Le sujet prioritaire, la clef de voûte, c’est de refonder le paritarisme », explique François Asselin, qui rappelle que la construction d’un « nouveau contrat social » tient particulièrement à coeur à son organisation.