Le texte n’est pas encore bouclé. Et la mesure ne fait pas partie de la liste déjà dévoilée, le 11 mai , par le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Mais dans le monde de l’immobilier, il se murmure que le projet de loi de finances rectificative sur le pouvoir d’achat, qui doit être transmis au Parlement juste après les législatives , pourrait inclure un gel des loyers. Ou plus exactement de l’indice de référence des loyers (IRL), qui autorise leur révision.
Cet IRL suit l’évolution des prix à la consommation. Quand il y a de l’inflation , les propriétaires peuvent donc faire grimper les loyers qu’ils réclament à leurs locataires. Au premier trimestre 2022, selon l’Insee, l’IRL était en hausse de 2,48 % par rapport au premier trimestre 2021. Un an plus tôt, l’augmentation avait été limitée à 0,09 %. La courbe devrait suivre une pente ascendante. Ce niveau de hausse n’avait plus été enregistré depuis 2008. Ce qui inquiète les défenseurs des locataires.
« Réaction rapide »
L’association Consommation logement cadre de vie (CLCV) réclame notamment un gel des loyers. « Il faut une réaction la plus rapide possible. Autrement, les hausses de loyers sur un an risquent d’atteindre 3 %, 4 % ou même 5 % d’ici à la fin de l’année », alerte David Rodrigues, juriste à la CLCV.
Pour lui, les locataires ne sont pas en capacité d’absorber ces hausses, alors que déjà tout augmente (charges d’énergie, essence, produits alimentaires…). « Nous avons eu une oreille plus qu’attentive du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire » sur cette question, lors d’une réunion organisée la semaine dernière à Bercy avec plusieurs associations, assure-t-il satisfait.
Eddie Jacquemart, le président de la Confédération nationale du logement (CNL), n’est pas aussi optimiste. Il avait déjà réclamé un blocage des loyers en 2021 à la suite de la crise sanitaire, sans succès. Mais il admet que, depuis, le contexte a changé, et il partage le constat de la CLCV. « Le pouvoir d’achat des familles est attaqué de toutes parts […]. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Il faut bloquer les loyers au moins pour 2022 », plaide-t-il.
Perte de recettes
Reste qu’un gel de l’IRL pourrait être complexe à absorber pour les petits bailleurs privés, qui comptent sur leur loyer en complément de retraite ou de revenus, remarquent les opposants à cette mesure. « La taxe foncière explose, des obligations de travaux de rénovation énergétique vont apparaître au 1er janvier prochain pour certains biens. Si en plus les loyers sont bloqués, les propriétaires n’auront pas la capacité à investir », prévient Pierre Hautus, le directeur général de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi).
Chez les bailleurs sociaux aussi, l’inquiétude pointe. Un gel des loyers « aurait un impact gigantesque sur notre chiffre d’affaires », indique Damien Robert, le nouveau président d’In’li , la filiale d’Action Logement dédiée au logement intermédiaire. « Ce serait pour nous extrêmement compliqué à absorber, alors qu’en parallèle, toutes nos charges augmentent de manière importante », estime aussi Anne-Sophie Grave, la présidente du directoire de CDC Habitat . C’est pourquoi la CNL propose que l’Etat compense la perte de recettes des bailleurs sociaux.
Anne-Sophie Grave fait valoir, de son côté, qu’il « peut y avoir une approche médiane entre gel et application intégrale de l’IRL. En règle générale, ajoute-t-elle, les bailleurs sont attentifs à la politique de loyers qu’ils mènent pour à la fois maintenir des comptes équilibrés et tenir compte des capacités de leurs locataires à supporter une hausse de leurs loyers ». Quoi qu’il en soit, le dossier va arriver rapidement sur le bureau de la nouvelle Première ministre, Elisabeth Borne . Il s’annonce politiquement explosif.