Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, n’a pas boudé son plaisir. « L’inflation en France ralentit fortement pour la première fois depuis plusieurs mois », s’est-il félicité à plusieurs reprises sur France Inter. De fait, en mai, la hausse des prix à la consommation dans l’Hexagone a reflué à 5,1 % sur un an après avoir atteint 5,9 % au mois d’avril, selon les chiffres provisoires publiés ce mercredi par l’Insee.
Une bonne surprise : dans une note publiée le 5 mai, l’institut de la statistique prévoyait encore une inflation à 5,7 % ce mois-ci, puis un reflux à 5,5 % en juin. « Pour la première fois depuis un an, le glissement annuel des prix à la consommation descend de son plateau qui se situait autour de 6 % », observe dans un tweet Julien Pouget, chef du département de la conjoncture de l’Insee.
Sur un mois, les prix seraient même quasi stables en mai (-0,1 %) après +0,6 % en avril selon l’institut.
Recul des cours de l’énergie
Cette accalmie doit beaucoup au recul des prix du pétrole et surtout du gaz revenus à leurs niveaux de fin 2021, avant la guerre en Ukraine. La bonne nouvelle est qu’exception faite du tabac la flambée de prix s’assagit sur tous les fronts. Contre toute attente, elle décélère dans les services (+3 % en mai contre 3,2 % en avril), alors que certains experts anticipaient une nouvelle poussée liée aux revalorisations salariales.
Même si les Français ne s’en rendent pas compte en faisant leurs courses, la valse des étiquettes dans les rayons alimentaires s’est, elle aussi, un peu calmée. Sur un an, les tarifs affichent toutefois encore une progression de 14,1 % en mai, contre 14,9 % au mois d’avril. « Les distributeurs ont tenu leurs engagements sur le panier anti-inflation », a salué Bruno Le Maire. Et l’opération sera prolongée au-delà du 15 juin.
Soucieux d’accélérer le reflux des prix dans les supermarchés, l’hôte de Bercy a en revanche remis la pression sur les industriels de l’agroalimentaire : « ils se sont engagés dans mon bureau à répercuter dans les prix la baisse des prix de gros pour que le consommateur paie moins cher » a-t-il rappelé. Mais « l’engagement pour le moment n’a pas été tenu ». « S’ils ne tiennent pas parole, je serai fondé à utiliser l’outil fiscal pour récupérer les marges qu’ils doivent rendre au consommateur », a-t-il averti.
Baisse de 0,6 % du pouvoir d’achat
Pour l’exécutif, le niveau des prix toujours élevé reste un sujet d’inquiétude majeur. Rogné par l’inflation, le pouvoir d’achat des ménages mesuré par unité de consommation a fléchi de 0,6 % au premier trimestre selon l’Insee. Résultat, la consommation cale.
Les achats de biens, en volume, ont ainsi diminué de 1 % sur le seul mois d’avril, avec un nouveau repli des dépenses alimentaires (-1,8 %) et d’énergie et des achats de biens fabriqués stables. « La consommation des ménages en biens est inférieure de 4,3 % à celle d’il y a un an et 6,3 % à son niveau d’avant pandémie », observe dans une note Charlotte de Montpellier chez ING, qui a « légèrement » revu à la baisse ses perspectives de croissance pour l’année.
« Le choc est en train de passer »
Reste la grande question : le pic de l’inflation en France est-il en voie d’être passé ? C’est en tout cas le scénario privilégié par la Banque de France , qui table sur une décrue rapide sur la seconde partie de l’année. « Les signes d’une modération des pressions inflationnistes s’accumulent », relève l’experte d’ING, qui note que la hausse des prix à la production industrielle a été ramenée de 9,5 % en mars sur un an à 5 % en avril.
« Le choc est en train de passer », assure également Philippe Waechter chez Ostrum Asset Management. « Les contrats d’énergie vont pouvoir être renégociés à des tarifs beaucoup plus bas, le prix des matières premières recule. De ce fait, les entreprises s’attendent à un net ralentissement des prix au cours des prochains mois. Si c’est le cas, cela peut augurer d’un cycle un peu plus robuste pour l’économie française », explique-t-il.
Dynamique salariale
C’est d’ailleurs le pari du gouvernement qui table toujours sur une croissance de 1 % en 2023, avec un repli progressif de l’inflation au second semestre, malgré les nuages qui s’amoncellent.
Une partie des économistes se montrent toutefois plus prudents. « Les perspectives de prix de vente se tassent dans tous les secteurs. Mais il peut s’écouler plusieurs mois voire trimestres avant que cela transparaisse dans les prix », préviennent ceux d’Oddo BHF dans une note publiée le 25 mai.
Pour Mathieu Plane de l’OFCE, par contre, l’inflation devrait osciller entre 5,5 % et 6 % jusqu’à la fin de l’année. « Le reflux constaté en mai ne dessine pas une tendance de long terme, estime-t-il. Les effets de base jouent certes en faveur d’un reflux. Mais les effets de diffusion de l’inflation par les coûts et les salaires ne sont pas terminés. Ce d’autant qu’un rattrapage salarial est probable cette année. »