“Discours trompeur” et flambée des capitaux à rembourser: mardi débute à Paris le procès de la principale filiale crédit de BNP Paribas, accusée d’avoir dissimulé les risques induits par ses prêts en francs suisses Helvet Immo, au détriment de plus de 4.600 emprunteurs. BNP Paribas Personal Finance, connue en France sous la marque Cetelem, sera jugée devant le tribunal correctionnel de Paris jusqu’au 29 novembre pour “pratique commerciale trompeuse” pour la commercialisation, de 2008 à 2009, de prêts à haut risque auprès de particuliers.
Destinés à de l’investissement locatif défiscalisé, ces prêts étaient libellés en francs suisses, monnaie profitant alors de taux d’intérêt plus avantageux, mais remboursables en euros. Ce montage, qui reposait sur la réputation de stabilité entre les deux monnaies, s’est révélé toxique à mesure que la monnaie unique baissait par rapport au franc suisse, diminuant d’autant la capacité de remboursement des emprunteurs: un euro rembourse aujourd’hui environ 1,10 franc suisse, contre 1,57 au lancement d’Helvet Immo en mars 2008. Les capitaux à rembourser ont fini par flamber, augmentant parfois de plus de 30%.
Les juges d’instruction ont estimé que cette filiale à 100% du groupe bancaire français BNP Paribas avait manqué à “son obligation de clarté dans l’information” aux consommateurs, dont plus de 1.600 se sont portés parties civiles.
À la lecture de l’offre de prêt, elles relèvent qu’à aucun moment “les termes ‘risque de change’ n’apparaissent” et qu’il n’est jamais précisé que ce risque est “à la charge exclusive de l’emprunteur“.
L’offre multiplie les formules “particulièrement inintelligibles“, tancent les magistrates, ajoutant:
“Il eut été plus simple d’expliquer qu’en cas d’appréciation du franc suisse, le montant des mensualités peut être augmenté, puis la durée du crédit augmentée d’une durée de cinq ans durant laquelle l’échéance mensuelle peut être augmentée sans aucun plafond”.
BNP Paribas Personal Finance a constamment assuré que son offre indiquait clairement que les variations de change pouvaient “avoir un impact sur le remboursement du crédit”, un de ses représentants estimant par ailleurs avoir affaire à un public averti qui cherchait un bon investissement locatif.
“On mentait aux collaborateurs”
Au contraire, l’avocat de l’association de consommateurs CLCV et d’environ un millier de parties civiles affirme que “l’offre a été rédigée de telle sorte que les emprunteurs ne pouvaient comprendre qu’ils étaient exposés à ce risque“, d’autant que les agents ayant commercialisé ce produit disposaient eux-mêmes d’un “argumentaire commercial trompeur“.
Pour Me Charles Constantin-Vallet, les conséquences ont été dévastatrices pour certains petits investisseurs. Un de ses clients, cariste à la Poste, “ne pouvait plus rembourser“, a-t-il dit à l’AFP, et a vu son bien, “un appartement T2 acheté 140.000 euros, saisi à la demande de la banque et revendu 55.000 euros”. “La banque le poursuit et lui réclame encore plus de 190.000 euros“.
Pour dénoncer le caractère trompeur de la pratique de l’établissement, les juges d’instructions se sont notamment appuyées sur le témoignage d’une ancienne directrice régionale. Celle-ci a confié aux juges que de sérieux doutes existaient dès l’origine. Mais ses supérieurs lui auraient répondu que le capital à rembourser “ne pouvait varier que de quelques centimes d’euro“.
“On mentait aux collaborateurs BNP lors des formations. Le mensonge portait sur le capital restant dû. […] C’est ça le scandale”, a-t-elle insisté dans son témoignage, qualifié de mensonger par son ancien employeur.
Selon l’association CLCV, près de 800 millions d’euros ont été prêtés via Helvet Immo, soit environ 170.000 euros en moyenne.
La banque se défend d’avoir commis la moindre infraction et fait valoir plusieurs décisions qui lui sont favorables devant des juridictions civiles, jusqu’à la Cour de cassation, qui a récemment estimé “que le contrat explique sans équivoque le fonctionnement du prêt en devises“.
Toutefois, certains tribunaux ont, avant de se prononcer, demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de statuer sur des points de droits. Plus de 1.500 autres procédures au civil restent pendantes, les juridictions attendant l’issue du procès pénal.