Réforme de la justice : le recours au jury populaire perd du terrain

A compter du 1 er janvier, les cours criminelles départementales sont généralisées à tout le territoire. Composées de juges professionnels, elles récupèrent une partie du champ de compétence des cours d'assises avec jurés. Un moyen de raccourcir les délais de procédures et de faire des économies.


This photo taken on November 2, 2015 in Paris shows the entrance to the crown court prior to the start of the trial of the former heads of the military apparatus of the ETA, Mikel Carrera Sarobe and Xabier Goyenechea Irragori, for the murder in 2010 in Seine-et-Marne of the policeman Jean-Serge Nerin, the last of the 829 deaths officially attributed to the Basque separatist organization. AFP PHOTO / JACQUES DEMARTHON (Photo by JACQUES DEMARTHON / AFP)

Une page de l’histoire de la justice se tourne. A compter du 1er janvier, les cours d’assises avec jury populaire voient leur champ de compétence restreint. Ce système hérité de la Révolution française qui faisait intervenir six citoyens tirés au sort sur liste électorale aux côtés de trois juges pour rendre des décisions en matière criminelle laisse en partie place à des cours composées uniquement de magistrats professionnels (cinq au total).

Ces cours appelées «cours criminelles départementales», expérimentées depuis 2019 et désormais généralisées à tout le territoire, interviennent en première instance sur tous les crimes passibles de quinze ou vingt ans de prison commis par des personnes majeures. Dans les faits, elles traitent essentiellement des dossiers de violences sexuelles. Leur généralisation va retirer aux cours d’assises plus de la moitié des affaires qu’elles jugeaient.

Procédures criminelles

Cette réforme trouve son origine dans la loi Belloubet de 2019, qui avait lancé des expérimentations dans quinze départements. Son objectif est d’«assurer un traitement plus rapide des procédures criminelles et de limiter la pratique de la correctionnalisation», qui consiste à rétrograder un crime en délit, rappelle le comité d’évaluation du projet dans son rapport de novembre.

Le bilan qu’il dresse montre que les expérimentations de cours criminelles départementales conduites entre 2019 et 2022 sur 387 affaires ont apporté des réponses satisfaisantes aux problèmes de baisse de «capacité de traitement des affaires». A contentieux identique, le temps d’audience de ces cours criminelles s’est ainsi révélé 12% moins long que celui d’une cour d’assises. Le délai entre la fin de l’instruction et le jour où l’affaire est jugée s’élève en moyenne à près d’un an ce qui, dans certains cas est deux ou trois fois plus rapide qu’avec le jury populaire.

Par ailleurs, tous les acteurs reconnaissent que les principes d’oralité des débats et du contradictoire ont été respectés par les cours criminelles dans les départements pilotes. La présence de présidents de cours d’assises dans le nouveau système garantit le respect de la procédure criminelle.

Indemnités des jurés de cours d’assises

Autre argument en faveur des cours criminelles : le coût. Une journée d’audience moyenne revient environ deux fois moins cher dans un système avec des juges professionnels, plutôt qu’avec des jurés, qui perçoivent des indemnités.

Pour autant, la généralisation de ces cours à tout le territoire se heurte à un problème de taille : celui des ressources humaines. Le comité d’évaluation estime qu’un «renforcement significatif» de magistrats et greffiers est nécessaire et regrette qu’aucun « chiffre concret» n’ait été avancé. La Chancellerie a promis le recrutement de 1.500 magistrats et 1.500 greffiers sur l’ensemble du quinquennat et des arrivées sont déjà prévues, mais cela ne suffira pas pour répondre aux besoins immédiats de 2023. S’ajoute à cela un manque de salles d’audience.

D’autre part, les expérimentations n’ont pas permis de démontrer que les cours criminelles réduisaient la correctionnalisation, ce qui constitue un écueil important au vu des objectifs de la réforme.

Lien entre les citoyens et la justice

Ces points n’ont pas manqué d’être soulevés le 13 décembre à l’Assemblée par la députée écologiste Francesca Pasquini, qui porte une proposition de loi visant à préserver le jury populaire de cour d’assises. L’élue a interrogé le garde des Sceaux, évoquant le fait que «plus de la moitié des jurés des cours d’assises vont disparaître», ce qui constitue à ses yeux et à celui de certains magistrats et avocats un «drame démocratique». Les opposants à la réforme déplorent un délitement du lien entre les citoyens et la justice.

Mais pour Eric Dupond-Moretti, «c’est une insulte aux magistrats que de penser que nous avons affaire à une justice au rabais».


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