Ils sont pour le gouvernement un instrument majeur de la boîte à outils à disposition des entreprises pour faire face à la crise du Covid-19. Mais malgré deux ans d’existence, on ne sait pas grand-chose des accords de performance collective qui restent confidentiels. Autant dire l’intérêt des travaux de la commission d’évaluation de la réforme du Code du travail de 2017 – composée de Marcel Grignard (ex-CFDT), de Jean-François Pilliard (ex-Medef) et de l’économiste Sandrine Cazes -, qui s’est penché sur ce que l’on appelle, en abrégé, les APC.
Risque de détournement
Les critiques contenues dans le rapport publié ce mardi par France stratégie sont à fleuret moucheté mais l’inquiétude de la commission d’évaluation est palpable sur ces accords censés remplacer trois autres types d’accord préexistants : ceux de maintien dans l’emploi pour « restaurer la compétitivité en cas de difficultés économiques », ceux de préservation ou développement de l’emploi pour « conserver ou améliorer la compétitivité » et ceux de « mobilité interne ».
L’enjeu est d’importance car ce nouveau cadre permet à l’employeur de s’affranchir de l’obligation de faire valider par chaque salarié l’application des dispositions de l’accord qui modifient son contrat de travail, et sécurise juridiquement le licenciement de ce dernier en cas de refus de ces modifications. Une demande du patronat. Ce n’est pas sur ces deux points que portent les critiques de la commission, mais sur le risque d’un détournement des accords de performance collective de leur objet initial.
Pour l’heure, la situation est sous contrôle. Le nombre d’APC est resté « marginal jusqu’en 2019 » où il a commencé à décoller. En juin 2020, 371 ont été conclus, note le rapport, jugeant le chiffre « élevé si on le compare notamment aux dispositifs précédents ayant les mêmes objectifs », avec une majorité de textes concernant des PME. Quatre accords de performance collective ont été conclus pendant la pandémie, tous dans des entreprises de moins de 500 salariés.
Le sujet n’est pas clos
Trois sujets peuvent être potentiellement concernés par un APC : rémunérations, temps de travail et mobilité interne. Un quart seulement des accords recensés traite de deux des trois sujets et même pas 3 % des trois. Alors que les cas de baisse de salaire ont été très médiatisés, sur les 70 % centrés sur un seul thème, un quart seulement traite des rémunérations contre plus de la moitié du temps de travail et le dernier quart des questions de mobilité interne, géographique ou professionnelle. On découvre ainsi que l’outil est utilisé pour harmoniser les statuts à la suite d’une opération de fusion ou de transfert d’entreprise, ce qui n’était pas prévu initialement.
S’appuyant sur les travaux du cabinet Sextant-entreprise et de la chercheuse Hélène Cavat, le comité d’évaluation pointe des interrogations majeures. Il pose la question de la « loyauté de la négociation » et s’interroge sur le risque « d’engendrer une dynamique de moins-disant social au sein d’une branche ou d’un marché ». Il note aussi que certains APC débordent largement leur sujet, et « se présentent même comme des quasi-conventions relatives à l’organisation générale de conditions de travail, visant à se substituer à une convention de branche ».
Un syndicat patronal minoritaire de la plasturgie ne s’est d’ailleurs pas caché de livrer de tels accords clé en main à ses adhérents, lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de l’information sociale il y a quelques mois. Le sujet n’est pas clos. Le comité d’évaluation promet d’y revenir et a lancé pour cela un appel à projet de recherche.