Retraites : ce qu’il faut retenir de la validation de la réforme

Après trois mois de crise politique et sociale, le Conseil constitutionnel a rendu, ce vendredi, sa décision très attendue sur la très contestée réforme des retraites. Tour d'horizon de ce qu'il faut savoir et des principales réactions


Le verdict tant attendu du Conseil constitutionnel sur la très contestée réforme des retraites est tombé. Les Sages devaient se prononcer sur deux points : la conformité constitutionnelle de la réforme et la possibilité de déclencher une longue et complexe procédure référendaire .

Ce qu’a décidé le Conseil constitutionnel :

Le Conseil constitutionnel a décidé de valider l’essentiel de la réforme des retraites, dont le report de l’âge légal de 62 à 64 ans. Selon lui, « aucune exigence constitutionnelle n’a été méconnue » par l’exécutif, que ce soit dans son recours à un budget rectificatif de la Sécurité sociale pour faire passer sa réforme ou à la procédure décriée du 49.3 à l’Assemblée.

Les Sages ont reconnu que « l’utilisation combinée des procédures mises en oeuvre a revêtu un caractère inhabituel » mais » n’a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution ». La juridiction était chargée de vérifier « la conformité à la Constitution » et » non de trancher tous les débats que la réforme des retraites peut soulever », a insisté le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel a néanmoins rejeté six dispositions, dont « l’index seniors » , car n’ayant pas leur place dans un texte financier. Ont également été censurés : le CDI seniors , le dispositif garantissant le maintien du recouvrement des cotisations à l’Agirc-Arrco, certaines dispositions concernant le droit au départ anticipé pour les fonctionnaires en catégories actives , certaines dispositions concernant « un suivi individuel spécifique au bénéfice de salariés exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels » et enfin « l’article 27, instaurant un dispositif d’information à destination des assurés sur le système de retraite par répartition ».

Le Conseil constitutionnel a également rejeté la demande pour un référendum d’initiative partagée car il juge qu’il « ne porte pas sur une « réforme » relative à la politique sociale de la nation ». Une seconde demande, déposée ultérieurement , doit cependant faire l’objet d’une nouvelle décision le 3 mai.

Pour rappel, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours.

« Ni vainqueur ni vaincu », selon Borne ; Macron invite les syndicats :

Le texte de loi sur la réforme des retraites est arrivé « à la fin de son processus démocratique » sans faire « ni vainqueur ni vaincu », a affirmé la Première ministre, Elisabeth Borne sur Twitter, dans la foulée de la décision du Conseil constitutionnel.

Dans un fil de cinq tweets, la cheffe du gouvernement considère que « pour préserver (le) système par répartition, cette réforme demande des efforts aux Français qui le peuvent. Mais elle comporte aussi de nombreuses avancées ». Elle cite parmi ces dernières « une augmentation des pensions de plus de 600 euros par an en moyenne » pour » 1,8 million de retraités, dont 1 million de femmes ».

Elle fait aussi valoir qu’en « améliorant le dispositif carrières longues et la prise en compte de l’usure professionnelle, 4 travailleurs sur 10 partiront avant l’âge légal » porté de 62 à 64 ans, et que le gouvernement investit par cette réforme » 1 milliard d’euros dans la prévention de l’usure professionnelle ».

Dans un communiqué publié juste après ces tweets de la Première ministre, le gouvernement a assuré qu’« avec cette réforme, notre système de retraites sera à l’équilibre en 2030 ». « La volonté du gouvernement est désormais de poursuivre la concertation avec les partenaires sociaux pour donner davantage de sens au travail, améliorer les conditions de travail et atteindre le plein emploi », précise le communiqué. Le gouvernement estime également que cette décision marque « la fin du cheminement institutionnel et démocratique » de la réforme.

En attendant la décision des Sages, les deux têtes de l’exécutif ont affiché ce vendredi un agenda chargé. Rencontre avec des tirailleurs sénégalais et visite du chantier de Notre-Dame de Paris pour Emmanuel Macron. « Tenir le cap, c’est ma devise », a-t-il déclaré depuis la cathédrale. Dans les rayons d’un hypermarché, la Première ministre, Elisabeth Borne, a de son côté annoncé que le SMIC augmenterait « d’un peu plus de 2 % » au 1er mai , portant à 6 % sa hausse sur un an.

En début d’après-midi la présidence a, par ailleurs, annoncé qu’Emmanuel Macron invitait les syndicats à le rencontrer mardi à l’Elysée, « quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel ». « Ce sera nécessairement le début d’un cycle que le président et le gouvernement poursuivront dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux . La porte de l’Elysée restera ouverte, sans préalable, pour ce dialogue », a dit l’entourage du chef de l’Etat.

Mais jeudi, lors de la 12e journée de mobilisation , les leaders syndicaux ne paraissaient pas pressés de se rendre à l’Elysée et semblaient davantage tournés vers leur rendez-vous traditionnel du 1er mai. « Il y a une décence à avoir, les gens ne vont pas passer à autre chose comme ça », jugeait le patron de la CFDT, Laurent Berger. L’intersyndicale n’acceptera pas de réunion avec l’exécutif avant le 1er mai, a confirmé Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, ce vendredi soir.

L’intersyndicale  :

Dans un communiqué, l’intersyndicale, qui réunit la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, Unsa, la FSU et Solidaires, a pris acte des décisions du Conseil constitutionnel. Elle « demande solennellement » à Emmanuel Macron de « ne pas promulguer la loi ». Appelant les salariés à faire du 1er mai « une journée de mobilisation exceptionnelle et populaire contre la réforme des retraites et pour la justice sociale », elle « décide (d’ici là) de ne pas accepter de réunions avec l’exécutif », fait-elle savoir.

Les principales réactions politiques :

Jean-Luc Mélenchon (LFI) : « La décision du Conseil constitutionnel montre qu’il est plus attentif aux besoins de la monarchie présidentielle qu’à ceux du peuple souverain », a tweeté le leader de La France insoumise. L’ancien candidat à la présidentielle a ajouté : « La lutte continue et doit rassembler ses forces ».

Marine Le Pen (RN) : « Le sort politique de la réforme des retraites n’est pas scellé », a affirmé la leader d’extrême droite, considérant qu’il « appartiendra (au peuple) de préparer l’alternance qui reviendra sur cette réforme ».

Jordan Bardella (RN) : Le président du Rassemblement national a estimé qu’« Emmanuel Macron ne pourra pas se cacher derrière la décision qui ne referme en rien le débat », observant une » fracture béante » « entre le président et le peuple ».

Eric Ciotti (LR) : le président des Républicains a appelé « toutes les forces politiques » à « accepter » la décision du Conseil constitutionnel, tout en estimant que « la censure de certains articles sanctionne les erreurs de méthode du gouvernement ». « Nous appelons à la réunion rapide d’une grande conférence sociale » sur le pouvoir d’achat et le travail, a-t-il ajouté dans un communiqué, soulignant que « la question du travail et sa réhabilitation doit revenir au coeur de nos discussions ».

Marine Tondelier (EELV) : la cheffe des Verts  a jugé la réforme « illégitime ».

Stéphane Séjourné (Renaissance) : « L’essentiel de la réforme des retraites a été jugé conforme à notre Constitution. Le cheminement démocratique de ce texte arrive à son terme », a jugé le secrétaire général de Renaissance.

De Paris à Marseille, huées et colère :

Signe d’une grande tension, le Conseil constitutionnel était sous bonne garde ce vendredi. Toute manifestation aux abords de son siège, situé dans une aile discrète du Palais Royal, est interdite depuis jeudi soir après un bref blocage dans la matinée. Et d’impressionnantes barrières anti-émeutes ont été érigées rue de Montpensier. La Comédie française, voisine du Conseil au sein du Palais-Royal, a, elle, annulé ses représentations.

D’après une note du renseignement territorial consultée par l’AFP, 131 actions sont attendues ce vendredi soir en réaction à la décision des Sages. Et la police redoute des débordements.

Devant l'Hotel-de-Ville, ce vendredi soir à Paris.
Devant l’Hotel-de-Ville, vendredi soir à Paris.Lewis Joly / Ap / SIPA

Huées, mines déconfites, consternation ou colère ont accueilli ce vendredi la décision du Conseil constitutionnel. A Paris, quelque 4.000 personnes étaient rassemblées en début de soirée devant l’Hôtel-de-ville à l’appel de plusieurs syndicats, dont la CGT et FO, selon une source policière. Plusieurs centaines de jeunes s’y étaient rendus plus tôt, après avoir manifesté dans l’après-midi au départ de la gare Saint-Lazare. Plusieurs centaines de personnes sont ensuite parties en cortèges sauvages émaillés d’incidents dans les rues du centre de Paris.

En début de soirée des rassemblements étaient également signalés à Lille, Rennes, Marseille, Strasbourg, Toulouse, Lyon…


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