Le sort réservé par la réforme des retraites aux Français ayant commencé à travailler tôt interroge jusque dans les rangs du patronat qui soutient pourtant le projet du gouvernement. Les organisations patronales représentant des TPE et PME se disent ouvertes à ce que les parlementaires modifient la durée de cotisation requise pour certaines personnes entrées jeunes dans la vie active.
« C’est un réglage qui peut très bien se faire au niveau du Parlement, voilà une ouverture qui pourrait être discutée au niveau de l’Assemblée nationale », a déclaré mardi matin sur France Inter, François Asselin, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), tout en défendant la nécessité de la réforme.
Critiques jusque dans la majorité
Le dirigeant patronal était interrogé en particulier sur l’opportunité d’abaisser de 44 à 43 ans la durée de cotisation des personnes ayant commencé à travailler à 20 ans. Du fait du report de l’âge légal, de 62 à 64 ans, certains devront en effet partir à la retraite en ayant cotisé un an de plus que la durée de cotisation exigée pour la plupart des Français (43 ans à l’issue de la montée en charge de la réforme).
« Nous sommes favorables à une modification sur les 44 ans, c’est un point qu’on a déjà soulevé », déclare aussi aux « Echos » Pierre Burban, le secrétaire général de l’U2P, l’organisation représentant les artisans, les commerçants et les professions libérales. Le Medef, en revanche, n’est visiblement pas sur la même ligne, certains de ses dirigeants s’inquiétant déjà de l’équilibre financier fragile de la réforme. La CPME, vigilante sur le coût d’une telle mesure, est dans l’attente des chiffrages sur celle-ci.
La question de la durée de cotisation nécessaire pour les personnes ayant commencé à travailler tôt suscite des critiques du côté des syndicats mais aussi au sein des Républicains , clés pour obtenir l’adoption de la réforme sans 49.3, et jusque dans les rangs de la majorité.
Sachant que les 44 années de cotisations vont aussi concerner un certain nombre de personnes éligibles à un départ anticipé au titre des « carrières longues ». Dans le détail, les Français qui ont débuté dans la vie active avant la fin de leurs 18 ans pourront ainsi partir à 60 ans, mais ils devront aussi avoir cotisé 44 ans. Ceux qui ont commencé avant la fin de leurs 16 ans pourront lever le pied à 58 ans, avec 44 années cotisées.
Règle « moins exigeante »
Interrogée sur ce sujet lundi, la Première ministre, Elisabeth Borne, s’est attachée à défendre la réforme, arguant que le dispositif prévu présente des avantages par rapport à celui qui s’applique aujourd’hui. « Nous sommes dans un système où on demande aux moins de 16 ans pour pouvoir partir à 58 ans d’avoir travaillé deux ans de plus que la durée légale de cotisation. On a souhaité revenir à une règle moins exigeante en passant à un an », a-t-elle défendu. De même, une possibilité de départ quatre ans avant l’âge légal a été ouverte aux carrières entamées avant 18 ans.
« On va continuer à avoir ces débats au Parlement », a-t-elle poursuivi, avant de souligner que l’on ne pouvait pas tout baser sur la durée de cotisation dans un système qui repose aussi sur l’âge légal. « Ce n’est pas du tout des sujets qui sont venus dans les débats avec les organisations patronales et syndicales », a ajouté la Première ministre. Pas sûr que l’argument fasse mouche du côté des partenaires sociaux qui disent avoir découvert les détails de la réforme lors de sa présentation le 10 janvier.
La cheffe du gouvernement n’a pas évoqué le coût d’éventuels changements sur la durée de cotisations. Celui-ci est pourtant clé, alors que l’équilibre promis par la réforme apparaît d’ores et déjà compromis au-delà de 2030. Dans le camp parlementaire, il circule que l’abaissement de la durée de cotisation requise de 44 à 43 ans coûterait autour de 1,8 milliard d’euros à horizon 2030.
Selon nos informations, l’exécutif estime qu’il en coûterait 1,2 milliard d’euros en 2030 si les personnes ayant commencé à 20 ans pouvaient partir à 63 ans en ayant cotisé 43 ans. Et la facture gonflerait rapidement ensuite, car le nombre de personnes concernées par génération deviendrait de plus en plus important. Par ailleurs, ce chiffre ne prend pas en compte le coût d’un éventuel allègement des conditions pour les carrières commencées avant 18 ans.