Dans le rôle du grognon qui ne veut pas fabriquer de dette à l’heure où tout le monde s’en régale : la Cour des comptes. Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, publié ce mercredi, l’institution présidée par Pierre Moscovici regrette que l’Assurance-maladie ne mène pas les réformes structurelles qui lui permettraient de réaliser des économies et à terme de ne plus alourdir la dette sociale . Quitte à faire payer un peu plus les patients.
Vu les prévisions du gouvernement , calcule la Cour, la Sécurité sociale va fabriquer d’ici à 2024 au moins 50 milliards de déficits de plus que ce que le législateur a prévu de transférer à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, soit 136 milliards d’euros. Il faut donc revoir la trajectoire pluriannuelle et réformer la branche la plus déficitaire, l’Assurance-maladie, insistent les magistrats financiers.
Ces derniers ne s’attaquent pas aux 13,7 milliards d’euros de dépenses exceptionnelles 2020-2021 visant à affronter le coronavirus, mais ils constatent que le « Ségur de la santé » va coûter 11 milliards d’euros supplémentaires en 2022. Un effort pour réinvestir et revaloriser les salaires à l’hôpital qui devrait avoir « pour contrepartie des réorganisations de l’offre de soins », écrivent-ils.
L’exemple des branches Vieillesse et Famille
D’après eux, l’Assurance-maladie gaspille l’argent public depuis des années en préférant couper ici ou là dans les budgets plutôt que d’améliorer la pertinence des soins. « Pour la branche maladie, les mesures ont relevé, non pas d’une action structurelle sur les fondements sous-jacents de la dépense de santé, mais d’une régulation essentiellement financière et de court terme portant uniquement, et de manière variable, sur les professionnels et les établissements délivrant les soins », juge la Cour.
En dépit d’une « régulation financière annuelle serrée », les Français bénéficient d’un « très haut niveau de prise en charge par la Sécurité sociale des frais de soins », souligne-t-elle. Depuis 2014, le gouvernement s’interdit en effet de mettre en place de nouvelles franchises ou de procéder à des déremboursements.
Les magistrats donnent en exemple l’Assurance-vieillesse et la branche Famille, qui ont su se réformer en profondeur… en demandant des efforts aux assurés. Ainsi, sans l’élévation progressive de l’âge de départ, l’indexation des pensions sur l’inflation, et la baisse de rendement des cotisations depuis 1993, les retraites représenteraient 19 % du PIB et non 14 %. De même, la réduction des allocations familiales pour les familles aisées a permis de juguler les déficits et de financer de nouvelles aides pour les plus démunis.
Des gisements d’efficience
Néanmoins, la Cour n’apporte pas de solution en kit, et ne recommande nullement de moduler les prestations santé en fonction des revenus. En revanche, comme chaque année, elle décrit quelques gisements d’efficacité des soins.
Ainsi, les groupements hospitaliers de territoire instaurés en 2016 permettent bel et bien de faire des économies, mais sont parfois trop petits, et ne peuvent donc pallier la pénurie de médecins faute de proposer un large éventail de soins.
Concernant les 11 milliards de dotations hospitalières (au-delà des ressources liées à l’activité), notamment celles au titre des missions d’intérêt général et des fonds régionaux, la Cour appelle à démêler les interventions des Agences régionales de santé de celles du ministère de la Santé. Les « chevauchements » d’enveloppes et les consignes de gestion de l’administration centrale « ne permettent pas aux Agences régionales de santé d’orienter les financements en fonction d’une appréciation des besoins au plus près du terrain ».
Enfin, insiste la Cour, il faut contenir la hausse de 4 % par an du coût des dispositifs médicaux, une catégorie remboursée à hauteur de 15 milliards d’euros qui va du pansement au lit médicalisé.