Les dentistes ne pourront plus forcément travailler là où ils l’entendent. En échange d’une augmentation de leur rémunération, les syndicats de libéraux ont accepté une entorse à leur liberté d’installation voulue par l’Assurance Maladie pour répondre aux inquiétudes des Français sur les déserts médicaux.
En négociation depuis avril, l’accord est formalisé dans la nouvelle convention 2023-2028 liant les chirurgiens-dentistes à la Sécurité sociale entérinée vendredi. Celle-ci a été signée par toutes les parties autour de la table. Une « innovation », a salué malicieusement le dirigeant de l’Assurance Maladie, Thomas Fatôme vendredi. Un consensus dont ne pourra pas se targuer François Braun qui vient de céder sa place de ministre de la Santé à Aurélien Rousseau.
Les centres dentaires dans le viseur
Dans le détail, les chirurgiens-dentistes ne pourront pas s’installer dans certaines zones dites « très surdotées » en professionnels sauf si c’est pour remplacer un confrère partant. « C’est une évolution très importante », a insisté Thomas Fatôme.
L’idée est d’éviter que de nouveaux dentistes « posent leur plaque » là où ils sont déjà très nombreux pour les encourager à exercer là où ils manquent. Sachant que les cabinets situés dans les zones mal pourvues pourront bénéficier d’un renforcement des aides financières de la Sécurité sociale.
Le mécanisme d’une installation pour un départ – qui existe déjà pour les infirmiers et vient tout juste d’être rendu plus contraignant pour les kinés – concerne à ce stade seulement une centaine de communes (avec des différenciations suivant les arrondissements à Paris) abritant 5 % de la population. « Ce n’est pas si contraignant que cela », temporise Patrick Solera du syndicat FSDL.
Ce système, applicable après un travail de «12 à 18 mois » selon l’Assurance Maladie, concernera aussi les dentistes salariés dans les centres de santé dentaires. Ces centres n’ont cessé de se multiplier dans les grandes villes, notamment à la faveur de la réforme qui a assuré une prise en charge totale par la Sécurité sociale et les assurances de certains soins (le 100 % santé).
Ils captent une bonne partie des nouveaux dentistes, déplorent les syndicats de médecins libéraux qui estiment que cela concentre les professionnels là où ils ne manquent pas. Par ailleurs, si l’Assurance Maladie estime qu’il y a des « centres dentaires qui répondent à des besoins », un certain nombre sont dans son viseur pour cause de surfacturations et autres dérives.
Château de cartes
« On pense que 80 % des centres ont des pratiques frauduleuses », lâche Patrick Solera. Compte tenu des nouvelles règles du jeu et d’autres réglementations récentes , « je pense que l’installation des centres va s’arrêter dans des villes comme Lyon et Paris et que cela va s’effondrer comme un château de cartes ».
Autre motif de satisfaction pour les dentistes : la nouvelle convention ouvre la voie à une augmentation de leur rémunération. L’Assurance Maladie s’est engagée à augmenter de 4 % en 2025 le remboursement de certains soins (dits conservateurs). « C’est le minimum qui pouvait être obtenu en termes de compensation d’inflation », note Pierre-Olivier Donnat du syndicat CDF.
Soucieuse de prévenir l’apparition des problèmes dentaires chez les jeunes gens, l’Assurance Maladie va également rembourser avec l’aide des mutuelles un « examen bucco-dentaire » tous les ans pour les patients âgés de 3 à 24 ans, ainsi que les soins décidés à cette occasion. Le prix remboursé pour ces soins sera aussi augmenté de 30 %.
Cette offre de prévention existe déjà mais à raison d’une fois tous les trois ans. Son renforcement, censé ouvrir la voie à des générations sans carie, se veut une étape importante de la politique de prévention du gouvernement.
Surcoût pour les mutuelles
Bonne nouvelle supplémentaire pour les dentistes : les plafonds de prix des prothèses et autres appareils remboursés dans le cadre de la réforme du 100 % santé augmenteront de 3 % en 2026. « Ce n’était pas gagné », se félicite Pierre-Olivier Donnat.
Car le coup de pouce financier sera largement supporté par les mutuelles, autour de la table des négociations. Or les relations entre l’Assurance Maladie et celles-ci se sont tendues en juin quand le gouvernement, en quête d’économies, a annoncé que la Sécurité sociale ne prendrait plus en charge que 60 % des soins dentaires, au lieu de 70 % jusqu’à aujourd’hui. De quoi coûter 500 millions d’euros aux assureurs santé.
« L’Assurance Maladie ne se désengage pas de soins dentaires, on va avoir de nouveaux actes pris en charge », insiste Thomas Fatôme.
Les dentistes et l’Assurance Maladie n’ont pas prévu de changement en matière d’orthodontie. Alors que ce type de soins peut coûter très cher aux familles, le gouvernement s’était dit favorable à l’idée de limiter leur coût . « On a prévu d’y revenir rapidement », a assuré Thomas Fatôme .