Depuis l’automne, la question du pouvoir d’achat s’impose dans le débat public. Le sujet ne cesse même de monter. Avec le risque pour l’exécutif qu’il s’enflamme à la veille de la présidentielle. Un danger que l’on mesure mieux quand on se penche sur le ressenti des Français sur leurs fins de mois. Un sondage réalisé par Elabe pour « Les Echos », Radio Classique et l’Institut Montaigne est éclairant.
L’enquête dessine une France coupée en deux : d’un côté, 59 % des Français (cadres professions intermédiaires, etc.) déclarent boucler leurs fins de mois facilement. Parmi eux, beaucoup d’électeurs en 2017 de François Fillon et d’Emmanuel Macron. De l’autre, 40 % (dont une partie de soutiens de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon) affirment devoir se restreindre. Parmi eux, 30 % doivent même trouver des revenus complémentaires pour vivre et 10 % sont obligés de puiser dans leur épargne ou d’emprunter de l’argent.
Dynamique stoppée
In fine, 81 % des Français déclarent ne pas être en capacité d’épargner à la fin du mois avec là encore des situations différentes selon les catégories sociales. Si, depuis le début de la crise sanitaire, les ménages ont accumulé un gigantesque surcroît d’épargne (plus de 170 milliards d’euros), on devine que tout le monde ne dispose sans doute pas d’un bas de laine.
Et l’automne a marqué une rupture selon Elabe. « Alors que depuis la fin du mouvement des ‘gilets jaunes”, il y avait une décrispation sur le sujet du pouvoir d’achat, cette dynamique a été stoppée en octobre dernier avec la flambée des prix de l’énergie », souligne Vincent Thibault, directeur des études de l’institut. Et ce n’est plus le seul poste de dépenses à coûter plus cher. Les prix des produits alimentaires – un poste très sensible pour les ménages – grimpent eux aussi.
La hausse des prix des carburants davantage pointée
Pour l’exécutif, la problématique est d’autant plus délicate qu’à la question « Selon vous quel est le poste de dépenses qui a le plus augmenté ces dernières années ? », les Français mettent en avant trois besoins essentiels de la vie quotidienne : « se chauffer » et « se nourrir » pour deux tiers d’entre eux et « se déplacer » pour 56 % d’entre eux. Un quart des Français cite aussi la hausse des dépenses de logement.
Il y a bien sûr des variations : « se chauffer » est davantage mis en avant par les plus âgés tandis que « se nourrir » est surtout cité par ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois. Pour un sondé sur cinq, c’est le poste qui s’est le plus renchéri.
Très logiquement, du fait de la flambée des prix des carburants , ceux qui pointent la hausse des coûts des déplacements sont nettement plus nombreux qu’en octobre (+14 points). Les habitants des communes rurales et des petites agglomérations sont sans surprise les plus touchés.
Salaires et retraites
Soucieux d’amortir les effets de la flambée des prix de l’énergie, l’exécutif a mis une quinzaine de milliards d’euros sur la table . Mais il y a de fortes chances que cette réponse ne suffise pas à combler les attentes.
Aux yeux des Français, le problème du pouvoir d’achat résulte de la combinaison de trois facteurs : la hausse continue des dépenses contraintes comme le logement et l’énergie ; le renchérissement du coût de la vie et des achats du quotidien (alimentation) ; le niveau insuffisant des salaires et des retraites. Un argument surtout mis en avant par les ouvriers, les habitants des communes rurales et les sympathisants de la gauche.
« Le poids des impôts et des cotisations sociales arrive bien derrière », observe Vincent Thibault. Il est néanmoins cité par les cadres et par les soutiens du Rassemblement national et de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour.