Le précédent rendez-vous sur le télétravail – censé être le troisième – avait été annulé in extremis par le patronat . Celui de ce mardi après-midi a bien été maintenu et promettait d’être dense puisque les organisations d’employeurs avaient adressé la veille au soir un projet d’accord de 15 pages suivant le plan sur lequel tout le monde s’était accordé.
Mais le texte transmis montre qu’au mieux la stratégie adoptée par les organisations patronales est celle des épouvantails. Si deux entorses sont prévues au caractère « ni prescriptif, ni contraignant » de l’accord, elles ne peuvent que hérisser les syndicats puisqu’il s’agit d’assouplir encore les conditions de formalisation du télétravail qui se ferait « par tout moyen », donc pas forcément écrit et de revoir la présomption d’imputabilité à l’employeur en cas d’accident en télétravail.
Quelle marge de discussion ?
Interrogés avant d’entrée en négociation, les syndicats expliquaient n’être pas surpris du caractère facultatif des dispositions du projet. Mais ils s’interrogeaient sur les marges de discussion du patronat. « Va-t-on arriver à faire de ce guide patronal un texte paritaire utile ? Rien n’est moins sûr mais il ne faut pas insulter l’avenir », déclarait Jean-François Foucard, le négociateur de la CFE-CGC.
Béatrice Clicq, la négociatrice de Force ouvrière, voulait croire à la volonté du patronat de négocier. Elle pointait « quelques signes d’un début de prise en compte », citant la page 4 du texte où est affirmé que « le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe ».
Inquiétudes
Mais du côté syndical on est très inquiet de la suite. Depuis le début, la CPME a ouvertement affirmé son hostilité à la négociation d’un accord portant sur le télétravail en général. Le Medef a, lui, poussé pour ne pas limiter les discussions à la seule question du télétravail en cas de force majeure comme le voulait la Confédération des PME. « Pour éviter que les mesures prises ne se transforment ensuite en mesures structurelles », explique un responsable patronal. Mais le Medef n’a pas de mandat pour négocier. Ce lundi, le conseil exécutif du Medef a rejeté plusieurs pistes d’ouverture face aux demandes des syndicats. Avec un point dur en particulier, la définition des postes télétravaillables dont les employeurs veulent garder la maîtrise, le projet patronal affirmant qu’elle relève du pouvoir de direction.
Il y a à la fois le fait que le télétravail apparaît comme plus qu’accessoire face à l’enjeu des difficultés et incertitudes économiques actuelles mais aussi la poussée de mécontentement patronale sur le terrain, loin de se limiter aux seuls commerçants. Et puis il y a également le discours menaçant du gouvernement sur l’obligation de généraliser le télétravail auquel peu croient. « Cela va tanguer avec les syndicats », commente un responsable d’organisation patronale.
Prolonger le calendrier
Mais ça n’a pas tangué. « On n’a pas eu l’impression d’assister à la même réunion que la semaine dernière », note le même dirigeant. Face aux résistances patronales, les organisations de salariés cherchent manifestement à ne pas rompre le fil des discussions. Le chef de file des employeurs, Hubert Mongon, s’est essayé à faire de l’humour, qualifiant leur premier projet de « travaillable et même télétravaillable » avec les syndicats. Il y a « des avancées des organisations syndicales que nous avons accepté », a-t-il ajouté sans que celles-ci ne voient bien de quoi il parlait. Il a surtout promis « dans la phase d’atterrissage potentiel de négociation » du prochain rendez-vous fixé au 23 novembre de faire « une proposition finale » intégrant les « points de convergence » avec les syndicats.
Rien ne dit cependant pour l’instant qu’il en obtiendra le mandat. «On a un droit de tirage sur une séance de négociation supplémentaire», dit un syndicaliste. « Il ne faut pas désespérer, on va essayer de détendre le calendrier », explique un autre, qui espère que le gouvernement va mettre de son côté la pression.