Entre cinq et huit millions. C’est l’évaluation du nombre de personnes ayant télétravaillé pendant le confinement dont beaucoup sont encore chez elles. Avec la crise du coronavirus , ce qui était en progression mais atypique est devenu commun. Avec y compris une extension aux employés d’une pratique jusque-là réservée aux cadres. Dans ce contexte, après s’être fait prier, le patronat a annoncé mi-mai qu’il était prêt à engager des discussions sur le télétravail. La première réunion a eu lieu vendredi.
« Crash test »
Ce n’est pas la première fois que les partenaires sociaux s’attaquent au sujet. C’est même un des rares à avoir fait l’objet d’un accord national interprofessionnel signé, en 2005, par les trois organisations patronales et les cinq organisations syndicales, donc non seulement la CFDT et la CFTC mais aussi la CFE-CGC ainsi que Force ouvrière et la CGT. En 2017 aussi , pour la réforme du Code du travail, ils avaient travaillé à un document commun.
Patronat et syndicats ont confirmé lors de leur première rencontre une chose : le confinement a représenté une forme de « crash test » du télétravail, pour reprendre les termes d’Eric Chevée, vice-président de la CPME en charge du social. « Il y aura un avant et un après », souligne un syndicaliste. Mais le sujet est plus large ; ne serait-ce que parce que les représentants des employeurs comme des salariés en sont d’accord, le travail à domicile à 100 % n’est pas forcément souhaitable.
Accord contre diagnostic
Reste que si le dialogue s’est noué, pour l’heure, son objectif fait débat. « Sur le temps de travail, le droit à la déconnexion notamment, il y a besoin de cadrer les choses », pour Béatrice Clicq, secrétaire confédérale de Force ouvrière. « Le télétravail doit être un droit pour le salarié et non un outil de pression pour l’employeur », alerte Jérôme Vivenza, le négociateur de la CGT. « Il y a nécessité de négocier un nouvel accord national interprofessionnel », insiste Catherine Pinchaut, secrétaire nationale de la CFDT, comme ses homologues.
Ce n’est pas l’avis du patronat. « L’objectif est de partager un diagnostic à partir du vécu des salariés et des entreprises pendant la crise sanitaire pour apporter aux entreprises prioritairement, et potentiellement aux branches (même si nous n’avons pas de demande de ce côté), des points de repère », explique Hubert Mongon, le délégué général de l’UIMM (Métallurgie), en charge des relations du travail au Medef. Pas question notamment pour les organisations patronales de revenir sur les dispositions prises par ordonnance lors de la réforme du Code du travail dont, du côté syndical, certains déplorent qu’elles aient « quasiment effacé l’accord de 2005 ».
Entreprises divisées
Enjeux d’organisation, humains et familiaux, sociaux, territoriaux, de mobilité, de ressources humaines avec la fracture cols blancs et bleus par exemple, ou encore de management… Les sujets ne manqueront pas en tout cas pour les deux prochaines réunions programmées le 19 juin et le 2 juillet au matin. Les deux suivantes se tiendront à la rentrée pour travailler à une synthèse dont la première est fixée au 2 septembre et la seconde avant la fin du même mois. La matière ne manquera pas. Du côté syndical comme patronal, les uns et les autres ont déjà commencé à travailler sur le sujet, notamment du côté de la CGT , de la CFDT, de la CFTC et de l’Unsa ainsi que de celui du Medef.
La suite n’est cependant pas encore écrite. « Il faut un diagnostic le plus exhaustif possible et on verra bien alors s’il y a des trous dans la raquette », concède un représentant des employeurs qui admet des clivages au sein de son camp, non pas entre organisations patronales mais avec de « grandes entreprises du secteur tertiaire qui veulent pousser pour un maximum de télétravail » et d’autres qui au contraire freinent des quatre fers.