Échaudés par les températures caniculaires au mois de juillet dans le sud de la France et la crainte de fondre comme neige au soleil, les vacanciers ont délaissé la côte méditerranéenne au profit des régions plus fraîches. Notamment la Bretagne, la Normandie, les Pays de la Loire ou encore les Hauts-de-France, où le thermomètre a même eu du mal à atteindre les normales de saison. A tel point que les juilletistes ont parfois dû troquer leurs tongs et leur maillot de bain contre une paire de bottes de pluie et un ciré.
Un choix climatique donc, au détriment de “l’ensemble de la région Paca, de l’Occitanie, de la partie sud de la Nouvelle-Aquitaine et de la Corse”, précisait début août à Capital la Fédération nationale des organismes de tourisme. “Il y a cette année -12% de touristes sur l’ensemble du littoral occitan et jusqu’à -15% pour les Pyrénées-Orientales par rapport à 2022, l’année de tous les records”, détaille Jérôme Arnaud, directeur de l’Office de tourisme de la Grande Motte (Hérault), qui connaît une baisse de sa fréquentation de 7% cette année.
Inflation, émeutes, chaleur : à qui la faute ?
La raison de cette diminution ? “Les médias ont tellement parlé de la chaleur, des risques d’incendie l’an passé, qu’ils ont fini par créer un effet anxiogène”, peste Jérôme Arnaud.
Mais on ne peut pas rendre le climat responsable de tout (ni les médias). “Le premier facteur a été les émeutes du mois de juin. Elles ont stoppé net toutes les réservations et en particulier celles des étrangers. On est à ce jour à un tiers du taux habituel de réservations des étrangers et ça revient au goutte à goutte…”, reconnaît le directeur de l’Office du tourisme.
À cela s’ajoutent les conséquences de l’inflation sur le pouvoir d’achat des Français. L’explosion des prix a nettement fait baisser leur niveau de vie. Pas question donc de faire des folies. Le credo des vacances : économiser. Pour cela, les vacanciers ont misé sur des destinations réputées moins onéreuses que celles situées sur le pourtour méditerranéen et cantonné leur budget à l’essentiel : le logement et les courses alimentaires. “Ils ont complètement fermé le portemonnaie. Ce qui se traduit chez nous par -20% environ sur les dépenses de loisirs”, atteste le directeur de l’Office du Tourisme de la Grande Motte. Un marasme palpable pour les restaurants aux terrasses désespérément vides ou remplies seulement un jour sur deux pour les plus chanceux.
“Pour certains, on devient cher, mais on est obligé d’augmenter la note d’environ 10%. Alors au lieu d’aller trois fois au restau, ils n’iront qu’une fois parce que le pouvoir d’achat n’a pas suivi”, explique Jacques Mestre, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. En 51 ans d’exercice dans la restauration, l’homme au gabarit imposant et l’accent chantant assiste à la “pire saison de (sa) vie”. Même si depuis le début du mois d’août les choses s’arrangent, le restaurateur n’est pas dupe : “Ce qui est perdu ne se rattrape jamais.”
Les touristes français comme étrangers se seraient réorientés vers d’autres destinations “à l’identité méditerranéenne, mais moins coûteuses, comme la Tunisie, le Maroc, l’Espagne, le Portugal, avance Jérôme Arnaud. Mais je ne valide pas le report de notre clientèle vers le quart nord-ouest.”
66% des Français envisageaient de partir en vacances en août
Au 1er août, la Grande Motte a pu rattraper le retard accumulé sur le mois de juillet en trois jours seulement, avec un taux d’occupation maximum : 90.000 habitants contre 10.000 hors saison. “Le mois d’août est annoncé excellent alors qu’il y a 10 jours encore, on pensait qu’il allait être catastrophique. En plus, on observe un taux de réservation pour l’arrière-saison jamais atteint auparavant”, se réjouit Jérôme Arnaud. L’Agence de développement touristique de la France, Atout France, notait d’ailleurs, sur la première quinzaine d’août, une sérieuse augmentation de vols en provenance de l’étranger.
Et cette année, le mois d’août est particulièrement long avec un calendrier scolaire composé de 5 semaines complètes de vacances. A cela, s’ajoute l’effet d’entraînement (cela entraîne des retombées économiques directes ou différées) de la Coupe du monde de rugby en septembre. Certaines personnes ont ainsi prévu de prendre leurs vacances à cette période pour en profiter pleinement. De même que l’attention portée par les Français à leur budget, incitant à décaler leurs séjours à l’arrière-saison. Résultat : pour la période estivale 2023, 66% des Français envisageaient de partir en vacances en août ou septembre, selon Atout France. Il est donc encore bien trop tôt pour faire le bilan de l’été 2023 pour le secteur du tourisme dans le sud de la France.